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faudra bien voir ce que ça veut dire." Ti-Jean dit: "C'est peut-être le cœur de mon petit oiseau qui me l'a donné." Ça fait que, le lendemain matin, il regarde encore sous sa tête: cent écus! Il dit: "Je suis bon, d'ct'heure; j'ai trouvé cent écus sous ma tête. C'est assez pour vivre."

Les deux frères s'en vont donc à la ville, où ils entrent dans un hôtel et demandent à loger au propriétaire. "C'est bon, mes petits gars! répond-il, vous resterez tant que vous voudrez, si vous avez de quoi payer."

Quand, le lendemain matin, les servantes font le lit des enfants, gling, gling, gling, voilà un tas d'argent qui tombe à terre. Elles courent trouver leur maître et disent: "Ces petits garçons-là sont riches à plein, et ils mettent de l'argent sous leur tête." Mais les garçons lui disent: "C'est pour vous payer qu'on l'a mis là."

En se promenant dans la ville, ils apprennent que la princesse doit être donnée en mariage à celui qui, en passant sur le pont, le lèverait cent pieds en l'air, sur quatre chaînes d'or. Bien des fils de roi viennent et passent sur le pont, mais sans pouvoir le lever. Ti-Jean dit: "Je pourrais bien avoir ce don-là, moi; j'y passe." Passe sur le pont; le pont ne lève point. Ti-Pierre dit: "Je vas y passer, moi." Passe sur le pont; le pont lève cent pieds en l'air, sur quatre chaînes d'or. Le roi dit: "C'est Ti-Pierre qui a gagné ma princesse." Et le mariage ne prend pas de temps à se faire.

Ti

Voilà Ti-Jean tout fin seul. Il s'en retourne à l'hôtel et dit au maître: "Il me faut deux chevaux pour aller faire le tour de la grosse montagne." "Ne vas pas là, dit l'autre; si tu y vas, ce sera ton malheur. Tous ceux qui y sont allés n'en sont jamais revenus," Jean attelle les deux chevaux et s'en va faire le tour de la grosse montagne. Il rencontre une vieille qui dit: "Viens donc, mon Ti-Jean, voir ta grand'mère. Ça fait longtemps que tu m'as vue." - "Comment, vous êtes ma grand'mère, vous ?"-"Oui, je suis ta grand'mère." Elle fait prendre une tasse de thé à Ti-Jean, qui vomit de suite le cœur d'oiseau et perd [ainsi] son don.

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Continuant sa route avec ses deux chevaux, il rencontre un homme avec un fusil. L'homme demande: "Veux-tu changer tes deux chevaux pour mon fusil ?" Ti-Jean répond: "Es-tu fou? Donner mes deux chevaux pour un vieux fusil tout rouillé!" L'autre répond: "C'est là un bon fusil. Tout ce que je veux tuer avec, je le tue.” Ti-Jean dit: "Voilà mes deux chevaux. Je te les donne pour ton fusil." S'en revenant chez le vieux et la vieille, au bord du bois, Ti-Jean dit: "Vous viendrez ce soir avec vingt paires de chevaux chercher le 1 Fournier dit "maître d'hôtel."

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La sorcière lui fait avaler un vomitif pour s'emparer du charme qu'il a avalé. Fournier dit: "Tout ce que je pense de tuer avec..."

4 Le texte est ici: "dans le bord du bois."

gibier que j'aurai tué." Et dans le bois, il tire du fusil toute la journée. Le soir, il y a la charge de quarante paires de chevaux de gibier. Ti-Jean retourne faire un tour le long de la grosse montagne. La même vieille dit: "Viens donc voir ta pauvre grand'mère, que tu n'as pas vue depuis si longtemps."-"Tu m'as volé mon don. Ah! tu voudrais bien encore me jouer un tour ?" "Non, tu es fatigué. Viens passer la nuit ici." Un coup couché sur un sofa et endormi, la vieille l'envoie bien loin dans les airs, sur un 'palan.'1

En se réveillent, Ti-Jean pense: "Dis-moi donc où je suis! Où c'qu'elle m'a envoyé, la vieille sorcière?" C'qu'il voit venir? Un grot aigle! "Aie, associé! Comment me demandes-tu pour me descendre à terre?" L'aigle répond: "Je ne suis pas capable de te descendre." "Essaie, toujours!" Voilà Ti-Jean sur le dos de l'aigle qui descend. Mais à trente pieds de terre, l'aigle l'échappe. Ti-Jean tombe à quatre pattes dans un jardin, sur un carré de salade. "Bien! je vas toujours manger une feuille de salade." Il en mange une feuille, et le voilà en poulain. "C'que c'est qu'ça? Me voilà en poulain, d'ct'heure!" Et il se met à trotter autour du jardin. Arrivé à un beau pommier, il mange une pomme. Il devient un beau prince. En pensant: "Voilà bien mon affaire!" il met une couple de pommes dans sa poche, et apporte une brassée de salade. Il s'en va au château de la vieille magicienne, et laisse la salade au bord du ruisseau, devant la porte.

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Le voyant entrer, la magicienne dit: "Ah, c'est toi!” — “Oui, tu m'as joué un beau tour!" "Qu'apportais-tu dans tes bras, avant d'entrer?" demande-t-elle. "J'apportais la meilleure salade trouve dans le royaume, et je l'ai laissée près du ruisseau." 2 servante la magicienne dit: "Va chercher la salade; mais prends bien garde d'en manger!" Au bord du ruisseau, la servante lave la salade, en mange une feuille, et la voilà changée en pouliche. Au lieu de s'en retourner au château, elle prend le chemin de l'étable, et se met dans une barrure du fond. "Mais, vieille magicienne, dit Ti-Jean, la servante va bien manger toute la salade. Elle ne revient plus." La vieille envoie la princesse, sa prisonnière, laver la salade au bord du ruisseau. En lavant la salade, la princesse pense: "Quand même j'en mangerais une feuille, ça ne ferait rien." Mange une feuille, et la voilà en belle pouliche brune, qui prend le chemin de l'étable. "Mais, bonne vieille! dit Ti-Jean, votre princesse va bien manger toute la salade, elle ne revient plus." La magicienne répond: "Il me faut donc y aller." Au bord du ruisseau, en lavant la salade, elle pense: "Elle m'a l'air ben bonne." Elle en mange une feuille, et la voilà en vieille jument, la peau collée aux côtes, et tricollant dans le 1 Terme de marine, dont le sens est ici devenu plus étendu. 2 Fournier disait "russeau."

* Chancelant.

chemin. Voyant ça, Ti-Jean se dit: "A'ct'heure, ma vieille sorcière, il faut que tu vomisses mon cœur d'oiseau." Une gaule à la main, il s'en va à l'étable, et il se met à bûcher sur la vieille jument, qui rue et qui rue. "Ah, ma vieille sorcière! Je vas varger à tour de bras tant que tu n'auras pas vomi mon cœur d'oiseau." En tombant raide morte, la vieille jument remet le cœur d'oiseau, que TiJean s'empresse d'avaler. Le revoilà avec son don.

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Il se dit:"Il faut que j'aille inviter mon frère Pierre à mes noces. En arrivant au château, il dit: "Bonjour, mon frère Pierre!" "Bonjour, Ti-Jean!"-"Pierre, viens-tu à mes noces, demain matin?""Tu te maries?"-"Ben sûr que je me marie!" "Ti-Jean, prends garde de me faire marcher pour rien. Autrement, parole de roi, tu seras pendu à la porte de mon château." "Mon Ti-Pierre, tu n'as pas besoin d'aller si vite. Ma princesse va être cent fois plus belle que la tienne."

Le lendemain matin, Ti-Jean se presse et mène son frère au château de la vieille sorcière. "Qu'est-ce que tu as, Ti-Jean? tu ne te maries point? Tu ne vas pas chercher ta prétendue ?" — "Ma prétendue n'est pas loin: elle est à l'étable." Les deux frères s'en vont ensemble à l'étable. Lui montrant la belle pouliche brune, Ti-Jean dit: "La voilà!" — "Mais, Ti-Jean, tu veux te marier à une pouliche à'ct'heure ?"—"Va-t'en au château,Ti-Pierre, et j'irai betô te rejoindre avec ma princesse." Son frère sorti, il prend sa pomme et la fait manger à la pouliche, qui devient une princesse, cent fois plus belle que celle de Ti-Pierre. Voyant arriver au château cette belle princesse, Ti-Pierre dit: "Tu me le disais bien, Ti-Jean, que ta princesse est cent fois plus belle que la mienne. Et tu n'as pas menti!" Ça fait qu'ils ont fait les belles noces; ils ont dansé et fêté — c'était le 'temps passé:' ils s'amusaient! Pendant le mariage, ils sont allés faire manger l'autre pomme à la pouliche dans la barrure du fond, qui est redevenue servante, et qui les a toujours bien servis, le reste de ses jours.

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Moi, ils m'ont renvoyé ici, à Sainte-Anne de la Pocatière, vous le

conter.

63. LE CONTE DES RATS. ◄

Une fois, c'était une veuve et son seul enfant, un garçon. Comme ils vivent dans une place pauv' pauv' pauv,' 5 un bon jour ils ne trouvent plus rien à manger.

1 Frapper à bras raccourci.

2 Pour "verger," i.e., frapper fort avec une verge.

3 Quand on dit 'temps passé,' on parle d'une époque assez éloignée.

♦ Raconté par Paul Patry, en août, 1914, à Saint-Victor, Beauce.

• Forme itérative, exprimant le superlatif.

Il

Le petit garçon avait élevé un beau gros coq, gros 'de même.'1 dit donc à sa mère: "Je m'en vas vendre le coq, pour avoir de quoi manger." Il part avec son coq sous son bras, s'en va à la ville, marche, marche.

Le long du chemin, dans un bois, il rencontre une fée qui dit: “Ah, mon jeune homme, où vas-tu ?" "Je m'en vas à la ville vendre mon coq. On n'a plus rien à manger."-"Quand tu vendras ton coq, réserve-t'en donc la tête, que tu m'apporteras à ton retour." "Ah, bonne mère, je le ferai."

Rendu au marché, on vient marchander son coq. C'est une piastre pour le coq. Un monsieur dit: "On va l'acheter." "Je demande une piastre, et je me réserve la tête du coq." Le monsieur dit: "Ça fait bien mon affaire. Moi, je serais bien en peine pour le tuer." Le garçon coupe la tête du coq, la met dans sa poche, donne le coq et prend sa piastre, avec laquelle il va s'acheter deux pains.

Comme il passe dans le bois, en s'en revenant, la vieille fée demande: "As-tu réservé la tête de ton coq?"-"Ah! il dit, oui; la voilà!" Bien contente, elle la prend, et laisse aller le garçon un petit bout. "Hé! elle crie, attends donc!" Il demande: "Quoi?" Elle dit: "Je ne t'ai pas donné de récompense." En lui donnant un petit morceau d'argent, elle dit: "Tu iras chez l'orfèvre et tu te feras faire une bague. Tout ce que tu souhaiteras, la bague te l'accordera.” Quand il arrive à la maison, sa pauvre mère est bien contente de le voir avec ses deux pains. Il y a si longtemps qu'elle n'a pas fait un bon repas. Ils mangent donc tous les deux.

Le lendemain, il s'en va chez l'orfèvre à qui il demande: "Comment voulez-vous pour me faire une bague?" L'orfèvre répond: "Tu me donneras les retailles, pour mon paiement." Le petit jeune homme s'en revient chez eux, 2 et il dit à sa mère: "A'ct'heure, vous ne pâtirez plus. Descendez dans la cave, et allez q'ri3 du lard." "Mais, mon pauvre enfant, ça fait quinze ans qu'il n'y en a plus." Il répète: "Vite, allez-y voir!" C'est bien plein de beau lard, à la cave. C'est ce qu'il vient de désirer avec sa bague. Il souhaite deux huches pleines de pain; et voilà deux huches bien pleines de beau pain. Tous les jours, il souhaite ce dont il a besoin; et tous deux, sa mère et lui, sont bien nourris, rien de mieux!

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Un bon jour, le voilà sur l'âge; il veut se marier. Le roi restait dans un petit château, au coin d'une rue, pas loin. Le garçon dit à sa mère: "Allez-donc demander au roi sa fille en mariage pour moi." Elle répond: "Laisse donc! 'c'est à croire que' je vas aller deman

1 Gros "comme ceci;" le conteur y ajoutait un geste.

* Chez lui, chez sa mère.

'Patry dit: "tout ce qu'il a besoin."

'Quérir, chercher.

5 Dans le sens de "Allez donc!"

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Signifie : "Tu te trompes si tu penses que..."

der la fille du roi pour toi."—"Allez, allez! s'il ne veut pas, il la gardera.” La bonne-femme s'en va donc parler de de'ça1 au roi. "Ah! dit le roi; le petit gredin! Il faut qu'il soit puni. Va lui dire que si, demain, il ne m'a pas rangé trente cordes de bois à ma porte, il sera pendu. Ça lui montrera à me demander ma fille." Sa mère s'en va en braillant le lui dire. "Ne pleure donc pas, il répond, ne pleure donc pas! Je m'en vas 'bûcher.'" 2

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S'en allant dans la ville, il engage trente hommes pour 'bûcher' le lendemain. Quand les trente hommes arrivent, il part avec eux, et il les mène dans la 'sucrerie' du roi, à ras sa cabane, et il leur dit: "Bûchez!" La 'sucrerie' du roi était belle, ça ne se battait pas. Les hommes 'bûchent' les belles érables, qui tombent drues. Le roi se dit: "Il faut toujours que je voie où ils 'bûchent.' Et le valet qu'il envoie revient en disant: "Monsieur le roi, c'est pas des bébelles! Ils 'bûchent' dans le cœur de votre belle 'sucrerie;' et ils en ont un étalage de coupé, c'est pas rien!" Le roi envoie ses troupes pour prendre les bûcherons. Trouvant le jeune homme assis sur une souche, qui regarde 'bûcher' ses hommes, les soldats disent: "Vous voilà tous prisonniers." Mais lui, il dit: "En vertu de ma bague, qu'ils soient tous morts, excepté un qui ira porter la nouvelle au roi!" Ils meurent tous; et celui qui reste en vie court dire au roi: "Ils sont tous morts, vos soldats." Le roi envoie donc une troupe bien plus forte pour prendre les bûcherons. Les voyant arriver, le jeune homme, assis sur une souche, dit: "En vertu de ma bague, je souhaite qu'ils meurent tous, excepté celui qui en ira porter la nouvelle au roi!" Et les voilà tous morts.

Le soir, le jeune homme va dire au roi: "Vous pouvez compter vos trente cordes de belle érable, devant votre porte."

Le lendemain, il se dit: "Il m'en faut, du bois, moé-tou. Le roi, lui, a de la belle érable; mais moi, je suis un monsieur, il me faut du pommier." Et il emmène ses bûcherons dans le verger du roi. Les voyant arriver, le roi part et vient trouver le jeune homme, disant: "Ne 'bûche' pas dans mon verger. Viens-t'en!" L'emmenant avec lui, il ajoute: "A'ct'heure, je vas te donner ma fille en mariage." Et il le marie à sa fille.

Une fois marié, le gendre du roi se souhaite un château bien plus beau que celui du roi, et toutes sortes de belles choses dedans. Au

1 Parler de cela.

2 Ici v. n., dans le sens de "abattre des arbres pour en faire du bois de chauffage." I.e., forêt d'érables où l'on fabrique le sucre d'érable.

♦ Anglicisme pour "il n'y en avait point de plus belle."
'Ce n'est pas des jeux d'enfants; bébelle signifie "jouet."
Dans le sens de "c'est sérieux!"

7 I.e., à moi et tout, à moi aussi.

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