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château, ce tricheux, il couche avec sa bonne-femme. Elle lui demande: "Par quel moyen as-tu tant de vertu ?" 2 "Tiens, ma femme, il répond, tu ne le répèteras pas! Mais, voici une bague dans mon doigt; tout ce que je souhaite d'elle, je l'ai."

Pendant que le jeune homme est content de vivre si bien, la femme, elle, n'aime pas son mari 'à plein.'"

A la fin, une nuit, pendant qu'il dort, elle lui mouille le doigt et lui ôte sa bague. Sans bague il n'a pas plus de 'vertu' qu'un autre. Le roi lui dit: "Ah! tu vas voir d'ct'heure, mon gars!" Envoyant la police, il le fait prendre et attacher, pour qu'on le porte au pays des rats, où il se fera dévorer pour sa pénitence. On l'attache à une voiture dans une poche; et deux hommes partent avec lui pour le pays des rats, marchent, marchent.

C'était pas mal loin, le pays des rats. En passant à la porte d'une auberge, les hommes disent: "On va toujours entrer prendre un coup; il y a encore un bon bout à faire." Pendant qu'ils boivent, un gros matou jaune, gros 'de même,'' passe tout près de la voiture. "Mon bidou, mon bidou, viens ici!" dit le jeune homme. Comme le chat va le trouver, il le prend et le cache dans son capot.

Sortant de l'auberge, les soldats repartent avec la voiture, et ils filent. Ils arrivent au pays des rats pendant un jour de parade. Tous les rats sont habillés en soldats, et leur roi, avant qu'ils partent pour la guerre, en fait la revue. Il y a une grosse bâtisse remplie de troupes, partout, partout, et le roi des rats, sur un théâtre, fait un sermon, prêche, et les instruit. Voyant arriver un homme dans un sac, il dit: "En voilà toujours un beau gros. Ce n'est pas le premier que ce roi m'envoie. Il faut faire une fête avec." Le roi crie: "Mes rats!" Les rats se tassent autour de l'homme. Les uns disent: "M'a 5 lui manger le nez;" les autres: "M'a lui manger les joues." Mais lui, il tire la tête de son matou en dehors du sac, et rrnào, rrnào... ; il largue le chat, qui se met à courir rrang-tit-tit, rrang-tit-tit! Il vous étrangle une bande de rats! Leur roi dit: "Cou'don, mon ami! votre bête va tout manger mon peuple." L'homme répond: "Oui, je vous fais tous dévorer à net par ma grosse bête.” "Commentc'que vous me demandez pour garder ta bête? Il y a assez de monde de mort." "Je te demande d'aller chercher ma bague où elle se trouve, chez le roi; autrement, je vous fais tous manger à net."

Le roi des rats fait battre un ban parmi son peuple, pour apprendre où est le château du roi. Quand ils sont tous assemblés, une

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vieille rate dit: "Moi, je connais ben ce château-là. J'y ai mangé ben des tinettes de viande, de beurre et de confitures; je connais ça! Mais il y a loin à aller, et je suis vieille. J'y ai déjà rencontré une grosse bête noire1 étou. Il faudrait ben que je sois accompagnée.” Une petite rate, sa cousine, la plus ratoureuse de toutes, dit: "Je vas aller avec vous." Pendant qu'elles sont parties, l'homme garde son matou dans le sac.

Rendue au château du roi, la vieille rate dit à sa petite nièce: "Prends garde!" Elles entrent par un trou dans la chambre du roi, pendant qu'il dort, la nuit. La petite rate dit: "La bague n'est pas aisée à trouver. Il l'a dans sa bouche, parce qu'elle est nulle part ailleurs. Mais, tu vas voir, il la crachera bien!" La petite rate s'en va dans la cusine, et se tortille la queue dans de la moutarde qui se trouve sur une planche. Comme le roi dort sur le dos, la petite rate lui passe la queue sur la 'gueule.' Le roi fait: "Pouah!" et il se met à cracher, et crache la bague dans la place. La vieille rate prend la bague et file vers le trou.

En s'en allant, la petite rate dit à la vieille: "Cou'don, ma tante, donne-moi donc la bague. Ça me fera honneur de l'avoir gagnée, comme ça empêchera le chat de dévorer tous les rats." La vieille répond: "J'aime autant la garder. Une vieille comme moi passera pour bien habile."

Pendant que, sur un pont, elles traversent une rivière, la difficulté prend entre les deux rates. En se chamaillant, elles échappent la bague, qui tombe au fond de la rivière. La vieille dit: "Si tu m'avais seulement laissée tranquille, la bague ne serait pas là."

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En arrivant chez leur roi, elles disent: "La bague nous a échappé sur le pont, et elle est tombée dans le fond de la rivière."—"Ah! en voilà encore une affaire!" dit le roi. Il refait battre un ban pour savoir si quelqu'un connaît cette rivière. Un vieux rat avait été ‘de cérémonie' avec une grenouille de cette rivière-là. "Ah! il dit, je connais bien ça!" Le roi dit: "Pars vitement, et va voir si tu peux avoir la bague." Voilà le vieux parti. Arrivé au bord de la rivière, il se met à son langage avec la grenouille: “Brik-brak-brak." La grenouille ressoud. "Bonjour, bonjour! depuis 'ce temps que'' je ne t'ai pas vue! C'est bien depuis qu'on' a été 'de cérémonie' ensemble." Et ils commencent à s'embrasser. "Dis-moi donc ce que tu cherches ?" demande la grenouille. "Ah, pauvre enfant! Je cherche une bague 1 Un autre chat. 2 Rusée; radical, "tour."

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Patry employa ici le mot anglais "smart." Patry ajouta en explication: "...avait été compère;" i.e., avait été parrain en compagnie de...

5 Se met à parler son langage.

• Dans le sens de "combien longtemps il y a que..."

7 Que nous...

qui a été perdue au fond de la rivière." La grenouille commande à toutes ses petites grenouilles et à ses crapauds de se mettre tous côte à côte et de marcher tout le long, dans le fond de la rivière. On trouve la bague. La 'commère' du vieux rat la lui rapporte. Bien content, il la remercie, l'embrasse, lui souhaite le bonjour, et il part. Arrivé au château de son roi, il lui remet la bague. Bien content, le roi, à son tour, la donne au jeune homme, qui dit: "A'ct'heure qu'est-ce que tu souhaites? J'ai fait du mal à tes troupes." Le roi répond: "Ramène ta bête, et remets mon monde en vie." - "En vertu de ma bague, dit l'homme, je souhaite tous les rats en vie." Et tous les rats, en revenant à la vie, se sauvent à toute épouvante. Le jeune homme se souhaite rendu dans son château. Le voyant arriver le roi dit: "C'est ben le boute ! Le voilà revenu avec sa bague, que j'ai perdue. Il va tous nous mettre à mort." Se jetant aux genoux de son gendre, il lui demande pardon en lui remettant sa fille. Mais le jeune homme répond: "Gardez-la, votre fille; elle est trop tricheuse! Je vivrai à mes dépens, et restez tranquille." Ça fait que le roi et son gendre ont chacun vécu à leurs dépens.

Quant au gendre, je ne sais pas s'il s'est remarié. Je n'en ai plus entendu parler.

64. LE COQ ET LES RATS. 1

Une fois, c'est une veuve qui a trois garçons, dont le plus jeune s'appelle Jean.

A l'âge de vingt-et-un ans, Jean apprend que la guerre vient d'éclater. Avant de partir pour la guerre, il dit à sa mère: "Quant à la poule que j'ai mis couver, et à mon coq, je vous dis de ne pas les vendre ni les changer, durant mon absence."

Quelque temps après, quand Jean2 est à la guerre, trois fées viennent chez sa mère pour acheter le coq. La veuve répond: "Ce coq est à Jean, mon garçon; et il m'a bien défendu de le vendre entre ci et qu'il revienne." - "Ah! répondent les fées, s'il vous l'a défendu, on va vous le changer pour un pareil."—"Le changer? Non, je ne le change pas; il m'a défendu de le changer ni de le vendre." Désappointées, les fées s'en vont.

Le lendemain matin, la plus âgée des fées dit: "Retournons-y. Mais apportons une lampe d'argent pour l'offrir à la veuve, en échange pour le coq." Arrivées chez la mère de Jean, les fées disent: "Cette lampe d'argent vous serait bien plus utile qu'un coq. La mère,

1 Raconté à Sainte-Anne, Kamouraska, en juillet, 1915, par Narcisse Thiboutot, qui dit avoir appris ce conté de son oncle, feu Charles Francœur, il y a sept ou huit ? A certains endroits, le conteur dit "petit Jean," au lieu de “Jean.”

ans.

vous n'avez rien ici pour vous éclairer."—"C'est vrai, on n'a rien pour s'éclairer; mais mon garçon Jean m'a dit de ne pas vendre son coq. Je ne veux donc plus que vous reveniez me bâdrer1 pour ça.” Voyant qu'elles ne peuvent réussir, les fées retournent chez elles, la tête basse.

Un jour, comme ça fait longtemps que Jean est à la guerre, une des fées dit: "Cou'don, je vas acheter le coq, moi." Elle retourne chez la veuve, achète le coq, l'apporte chez elle et dit à sa servante: "Tu vas tuer le coq et le faire cuire tout rond, avec la tête." La servante tue le coq, et le fait cuire avec la tête. Quand le coq est cuit, un petit jeune quêteux passe, entre et demande à manger. Prenant la tête du coq, la servante la lui donne. "Merci!"dit le jeune quêteux, en prenant la porte et en s'en allant chez la mère de Jean. "Tiens, grand'mère, dit-il, on m'a donné la tête d'un coq pour mon dîner. Jetez-la à votre chatte, qu "'elle la mange." La veuve prend la tête de coq et la serre dans sa commode.

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Dans l'entrefaite, voilà Jean qui revient de la guerre. "Et mon coq, demande-t-il en entrant, l'avez-vous encore?" "Non; hier, je l'ai vendu aux fées.” "Mais, mouman, je vous avais bien défendu de le vendre." — "Oui, mon petit Jean; mais ça faisait bien longtemps qu'elles me bâdraient." - "C'est-i pas rien! Au moins, si vous aviez gardé la tête." "Mon petit garçon, je l'ai icite, la tête; elle est bien serrée." La veuve remet à son garçon la tête de coq. Rouvrant la tête, Jean y prend la bague qui s'y trouve, et il se la met dans le doigt. Avec sa bague, il souhaite d'avoir le plus beau château de la terre, brillant comme des étincelles et suspendu sur quatre chaînes d'or. Aussi vite qu'il l'a désiré il se trouve assis dans un château brillant, suspendu sur quatre chaînes d'or.

S'adonnant à passer par là, le roi s'écrie: "Qu'est-ce que c'est, ça? qu'est-ce que c'est, ça? D'où est venue cette bâtisse, en si peu de temps? Je n'ai jamais vu rien de si beau." Le roi appelle un valet pour yi demander le nom du roi à qui appartient ce château. celui qui entre s'informer, on répond: "Je suis petit Jean; c'est mon nom."

Le roi, le lendemain, envoie un valet inviter petit Jean à souper avec lui. "C'est bien vrai, répond petit Jean, que je suis obligé d'obéir à la parole du roi. Mais retournez l'inviter à venir me rendre visite et à prendre le dîner chez moi, demain midi." Le valet va dire à son maître: "Monsieur le roi, le jeune roi Jean me prie de vous dire que si vous pouviez aller dîner avec lui, demain midi, il préfèrerait * Abréviation de "pour qu'elle..."

1 De l'anglais "to bother."

I.e., est-ce assez malheureux!

I.e., passant là par pur hasard.

"Yi pour "lui."

1

ça." Le roi fait donc grèyer sa vieille reine et sa princesse, et dit: "On va prendre le dîner chez le jeune roi Jean."

Vers midi, Jean souhaite avec sa bague d'avoir la plus belle des tables, garnie des meilleurs mets qui se puissent trouver. En entrant, le roi dit: "Jeune roi Jean, jamais je ne pourrai comprendre comment vous avez fait bâtir ce château en si peu de temps, à ma porte, et sans que j'en aie connaissance." — "Ah, monsieur le roi, ce n'est rien. 2 Il y a bien des choses plus difficiles que je pourrais faire." Tout en parlant, le vieux roi demande à Jean voir s'il est garçon. “Ah oui, monsieur le roi, répond Jean; je n'ai que ma vieille mère avec moi." Le trouvant de son goût 'à plein,' le roi tourne et tourne, et lui offre quasiment sa fille, la princesse. Comme Jean ne demande pas mieux, la noce se fait au plus vite les rois ne prenaient pas grand temps à faire une noce, dans le 'temps passé'!

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Quelque temps après le mariage, le roi dit: "Mon Jean, allons faire un tour de chasse."-"Oui, allons-y!" répond Jean. Ils grèyent tout leur manége, prennent ce qu'il leur faut pour huit jours de chasse, et ils partent. Jean oublie bien sa bague, qu'il laisse accrochée à la tête de son lit.

Pendant leur absence, les trois fées viennent trouver la jeune princesse, lui demandant si elle n'a pas de vieilles bagues à changer pour des neuves. "Oui, répond la princesse, mon mari en a une qui commence à ternir. Je suis prête à la changer." Les fées lui donnent trois bagues en échange de la sienne, et elles s'en vont.

Aussitôt qu'elles ont la bague, les fées souhaitent que le château fonde comme le ferait en été un château de glace. D'un crac le château est fondu, et la princesse est prise dans ce bourbier.

Revenant de la chasse, le roi et Jean regardent partout. Point de château! Jean dit: "Ma femme m'a trahi! Elle a dû changer ma bague que j'avais oubliée."-"La bague que tu avais oubliée ? dit le roi; je pense, mon Jean, que ce n'était qu'un château de glace." -"Ah non, monsieur le roi! Ma femme a dû changer la bague que j'avais laissée à la tête de mon lit. Elle m'a trahi." En colère, le roi dit: "Tu mérites d'être puni sévèrement. Je reprends ma fille; et pour te punir, on va rassembler tous les gens de la place pour décider quel sera ton châtiment."

Quand les gens furent rassemblés, un dit: "Faisons-le brûler à petit feu." Un autre dit: "On va le noyer." Un troisième dit: "Envoyons-le sur l'île aux rats." Les ayant tous entendus, le roi décide: "Je consens qu'on l'envoie sur l'île aux rats pour le faire 1 Thiboutot disait: "Il préfèrerait plutôt ça que de venir."

• Fournier disait "c'est rien!"

Pour voir si...

Le texte de Fournier ici est: "Souhaitent que le château fût fondu comme c'eût été un château de glace..."

Dans un instant.

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