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dévorer par les rats." Faisant gréer sa chaloupe, le roi dit à Jean: "Allons, embarque!" Jean demande: "Avant d'embarquer, sire mon roi, m'accordez-vous la grâce de prendre mon gros chat, qui s'appelle Thom'?" — "Apporte-le, ton Thom'; tu n'en as toujours pas pour si longtemps à vivre."

Le voilà donc parti pour l'île aux rats, où on va le reconduire. Rendus à l'île, les valets du roi ne peuvent pas accoster; les rats, comme des démons, veulent se lancer sur la chaloupe. A la fin, Jean prend son chat sous son bras et dit: "Mon Thom', il faut que tu sauves la vie à ton maître. Sinon, il va mourir en brave." Le chat répond: "Ne crains pas, mon maître!" Jean lâche son chat en disant: "Thom', divertis-toi sur l'île, et étrangle autant de rats qu'il y en a." Thom' se lance à coups de dents et de griffes, et tue les rats par piles. La peur finit par prendre les rats. Voilà leur roi qui arrive: “Arrêtez, monsieur, arrêtez votre bête! On va vous laisser tranquille." Lâchant un cri, Jean dit: "Thom', avant d'arrêter, divertis-toi! Il y a encore trop de rats sur l'île." Le roi des rats répète: "Monsieur, arrêtez-le! je vous promets qu'on vous fera aucun mal." Jean dit à son chat: "Thom', viens-t'en icite." Et le chat revient près de son maître en se léchant les babines.

1

Le roi des rats demande: "Monsieur, pour quelle raison êtes-vous venu ici?" "Pour la raison que j'avais un château brillant, suspendu sur quatre chaînes d'or, en avant de celui du roi. Après avoir épousé la princesse du roi, je partis pour la chasse. Pendant mon absence, ma femme m'a trahi en changeant ma bague, que des fées sont venues lui demander. Cette bague était une bague 'de vertu,' avec laquelle il me suffisait de souhaiter quelque chose pour l'avoir. Roi des rats! si tu n'es pas capable de trouver où est ma bague, tu peux être certain que toi et tes rats, vous allez tous mourir. Thom' va se divertir à son goût, si tu ne peux pas m'aider." "Ah, monsieur, arrêtez! Elle n'est pas ici, sur mon terrain, votre bague; mais elle est peut-être sur celui de la reine des souris." Le roi des rats attelle deux mulots sur son carrosse, prend une souris pour cocher, et il s'en va trouver la reine des souris. Voyant arriver le roi des rats, la reine des souris dit: "Que venez-vous faire ici, aujourd'hui, le roi des rats?" "Ah! si tu savais, la reine des souris! Toute ma place est bouleversée par une bête dont le maître m'a dit que si je ne retrouvais pas sa bague perdue, tous mes rats seraient mis à mort." La reine des souris répond: "Moi, je n'ai pas eu connaissance de cette bague, sur mon terrain. Mais, la reine des grenouilles le saurait peut-être bien."—"Eh bien! je vas aller le dire à la bête qui veut tous nous détruire."

1 Bague enchantée. Ailleurs, G.-S. Pelletier appelle ces objets "des souhaitevertu." • Prononcé gornouilles.

Le roi des rats revient dire à Jean: "Monsieur, la bague n'est pas sur le terrain des souris; mais la reine des grenouilles en saurait peutêtre quelque chose." Jean répond: "Oui, si la reine des grenouilles le veut, elle peut me retrouver ma bague. Mais il faudra qu'elle envoie à sa recherche quatre grenouilles, quatre rats et quatre souris. Si elle ne me rapporte pas ma bague entre ci trois jours,1 vous serez tous mis à mort." Quand elle apprend ça, la reine des grenouilles dit: "On va essayer." Appelant une vieille grenouille: "Serais-tu capable d'aller chercher la bague que les fées ont changée chez le roi Jean? Si tu me la rapportes, je te donnerai de la crême au sucre." La grenouille répond: "Oui, j'en serai peut-être capable; mais il faut que tu envoies quatre jeunes grenouilles avec moi." On grèye la goëlette pour traverser, et à bord montent les quatre grenouilles avec quatre rats et quatre souris.

Quand la goëlette arrive dret en face de chez les fées, débarquent les rats, les souris et les grenouilles. Ensemble ils se glissent vers la maison des fées, regardent par la porte entre-bâillée, et aperçoivent la plus vieille des fées, la bague au doigt, et couchée sur un canapé. Voyant la chatte sous le poêle, les rats n'osent pas entrer. La plus petite des souris se glisse derrière le balai, dans le coin, et elle attend que le chat soit sorti. Après une escousse, la petite souris saute au doigt de la fée, fait tomber la bague, qu'elle prend et apporte à la goëlette.

On met à la voile pour s'en retourner au pays des grenouilles. En route, un rat dit: "C'est moi qui ai trouvé la bague."- "Ce n'est pas toi, dit la souris; tu as eu peur d'entrer quand tu as vu la chatte sous le poêle. Moi, je suis entrée comme une brave, en me glissant derrière le balai. J'ai ensuite sauté au doigt de la fée, et me suis sauvée avec sa bague." Dans sa colère, le rat attrape la souris en disant: "Tu vas me la donner." - "J'aimerais mieux la perdre que te la donner." Saute sur le bout de la goëlette, saute sur le flangé;" la petite souris échappe la bague à l'eau.

Bien piteuse, la petite souris vient dire à la vieille grenouille: "J'ai perdu la bague." Comme c'est en pleine nuit, la vieille grenouille 'prend un aperçu sur' une étoile.

Avant d'arriver chez la reine des grenouilles, on hisse le pavillon de deuil. Les voyant venir, le roi des rats dit à la reine des grenouilles: "Il leur est arrivé malheur; ils sont en deuil." En débarquant, la vieille grenouille va dire à sa reine: "On a perdu la bague dans le fond de la mer. Courue par le rat, la petite souris, qui avait gagné la bague, s'est sauvée sur le flangé et a échappé la bague à l'eau, en pleine mer. Le rat, vous savez, se souvenait de vos paroles: 'Celui 1 Entre ci et le troisième jour...

'Peut-être de l'anglais "flange," rebord, saillie.

qui rapportera la bague sera soigné à la bouillie au sucre.'" La reine des grenouilles dit: "Ma vieille grenouille, es-tu capable, avec cinq jeunes grenouilles, d'aller chercher la bague là où elle a été perdue ?" "Oui, ma reine, nous allons essayer."

Suivie de cinq grenouilles, la vieille se rend, la nuit suivante, Â. l'endroit où la bague est tombée à l'eau. Regardant à l'étoile, elle dit: "C'est icite; j'en juge par l'étoile." Attendant le lendemain, au jour, le capitaine de la goëlette prend une planche, met une petite grenouille dessus, et la lâche doucement à l'eau. La grenouille cherche la bague, cherche, mais ne trouve rien et se nèye.1 Voyant ça, la vieille grenouille dit: "Moi, j'y vas." Plonge et reste deux heures sous l'eau. On en est 'occupé,'' dans la goëlette; et on se dit: "Elle va se noyer." Mais non, elle revient avec la bague dans sa gueule, grimpe sur la goëlette, se glisse à sa chambre et fait hisser le pavillon de joie, pendant qu'on revient chez la reine des grenouilles.

Les voyant arriver, la reine des grenouilles dit au roi des rats: "Ils l'ont retrouvée: voyez le pavillon de joie." En débarquant, la vieille grenouille va porter la bague à la reine des grenouilles. "Tiens, la reine, dit-elle, allez porter la bague à qui elle appartient." La reine répond: "Vas-y toi-même avec le roi des rats, comme c'est toi qui as travaillé à délivrer notre pays et le sien." La vieille grenouille s'en va donc trouver Jean, et dit: "Monsieur Jean, voilà la bague dont vous avez parlé au roi des rats. Une fée l'avait obtenue de votre femme en échange [de trois bagues neuves]. A'ct'heure, on vous la donne en vous demandant de laisser la paix à notre pays." — "Ah! dit Jean, la bonne reine des grenouilles! Je t'en remercie bien des fois, et je te souhaite d'être plus heureuse que jamais. Moi, je m'en retourne à mon château." Prenant la bague, il se la met au doigt. "Je désire que mon château se trouve encore à la même place, suspendu sur quatre chaînes d'or, devant celui du roi." Aussitôt souhaité, aussitôt faite.

Se réveillant, le lendemain matin, le roi aperçoit un beau château brillant devant le sien, et il voit le roi Jean se promenant sur la galerie. "Comment ça se fait? dit le roi. Encore un qui se bâtit un château devant le mien!"

Jean arrive et dit: "Monsieur le roi, rendez-moi ma femme. Je veux lui faire pleurer son tort. Ma femme, voilà son histoire: Pendant que nous étions à la chasse, elle avait changé ma bague 'de vertu' avec une fée. La fée souhaita mon château morfondu3 en marécage, et la princesse resta prise dans le bourbier. La fée connaissait la vertu de ma bague, mais ma femme n'en connaissait rien;

1 Noie.

* Inquiété.

Probablement une corruption de "fondu."

et vous, monsieur le roi, vous disiez: "Ton château, c'était un château de glace!" Le roi dit: "Mon Jean, je t'en demande bien pardon. Mais, aujourd'hui, ta femme a appris la vertu de ta bague, qu'elle ne changera plus, pendant que nous serons à la chasse. Quant aux gens qui te condamnaient, on va les punir com'i'faut." Ceux qui voulaient faire brûler Jean, on les fait brûler. Ceux qui avaient dit "Noyons-le!" on les nèye. Et ceux qui avaient conseillé de l'envoyer à l'île aux rats, on les mène à l'île aux rats.

Tout en finit par là. Le roi, lui, a continué jusqu'à aujourd'hui à vivre avec Jean, son gendre. Et moi, ils m'ont renvoyé ici. Depuis ce temps-là, j'ai eu de la misère 'en démon,' 1icite.

65. LA FABLE DE L'OURS ET DU RENARD. 2

Une fois, il est bon de vous dire, c'était un renard et un ours.

Un bon matin, durant l'hiver, le petit renard se met dans un banc de neige, devant la maison de l'ours, et il se met à hurler, hurle. Sortant de sa maison, l'ours demande: "Qu'as-tu donc à hurler, mon petit renard?" Il répond: "On m'appelle pour être compère; mais je ne veux pas y aller." "Mon petit renard, vas-y donc: ils vont te donner à manger com'i'faut. S'ils m'appelaient comme ça, j'irais bien, moi qui ne fais que me licher la patte." Le petit renard s'en va, fait un tour, entre [sans qu'on le voit] dans la dépense de l'ours, et commence à 'manger la tinette'' de beurre. Quand l'ours le voit repasser, il demande: "Comment l'appelles-tu, ton filleul?"-"Ah! il dit, je l'ai appelé Commencé."

Le lendemain matin, le petit renard revient encore sur le banc de neige, devant l'ours, et il hurle, hurle. "Qu'est-ce que tu as donc, mon petit renard, à tant hurler?" — "Parlez-m'en pas! on m'appelle encore pour [être] compère; mais moi, je ne veux pas y aller." - "Vas-y donc! on te soigne si bien, quand tu es compère!" Voilà mon petit renard qui part, fait un tour, entre [sans qu'on le voit] dans la dépense de l'ours, et mange la moitié du beurre, dans la tinette. Le voyant repasser, l'ours lui demande: "Comment-c'que tu l'as appelé, ton filleul?" "Je l'ai appelé A-moiquié."- "C'est un beau nom, mon petit renard. Ce n'est pas bien de te faire prier comme ça pour être compère."

Encore la même chose; le lendemain matin, le petit renard se plante dans le banc de neige, et se met à hurler. Hurle, hurle, mon petit

1 J'ai eu beaucoup de misère.

Récitée par Achille Fournier, en août, 1915, à Sainte-Anne, Kamouraska. Fournier apprit cette fable, il y a longtemps, d'Edouard Lizotte, aussi de SainteAnne.

C'est-à-dire le contenu de la tinette.

• Fournier dit: "mange la tinette de beurre à moiquié."

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renard. L'ours demande: "Mais, pourquoi tant hurler, mon petit renard?" "On m'appelle encore pour être compère, et moi, je ne veux pas y aller."-"Mon petit renard, vas-y donc! Tu reviens toujours saoûl, quand tu es compère. Si on m'y invitait moi, je ne demanderais pas mieux." Fait un tour, le petit renard, et entre dans la dépense de l'ours, où il mange le reste de la tinette de beurre. Le voyant repasser, l'ours demande: "Comment l'as-tu appelé, ton filleul ?” — “Je l'ai appelé Cul-liché." L'ours répond: "C'est un beau nom, ça, mon petit renard. Je voudrais bien qu'ils m'appellent pour [être] compère, moi qui ne vis qu'à me licher la patte."

Quand il va chercher du beurre dans sa tinette, l'ours trouve tout le beurre parti. S'en allant voir le renard, il dit: "Mon petit renard, je cré ben que tu m'as joué un tour. Tu disais qu'on t'appelait pour [être] compère; mais c'est ben des menteries. Tu t'en allais 'manger ma tinette' de beurre. Leurs noms, tu disais, étaient Commencé, A-moiquié et Cul-liché; mais, mon petit renard, m'a te dévorer à'ct'heure." — "[Ne] me dévore donc point pendant que tu es si fâché. Tiens! on va se coucher, et celui qui, demain matin, aura du beurre au derrière, ça sera lui qui aura mangé le beurre." L'ours finit par être consentant. Ils se couchent et dorment.

Durant la nuit, le renard se lève et met du beurre au derrière de l'ours. S'apercevant qu'il est graissé, en se réveillant, l'ours se dit: "C'était donc moé qui l'avais mangé!"

En prenant le chemin, un peu plus loin, le petit renard crie: "Je t'ai joué un tour, l'ours. Tu n'es pas ben fin, je te le garantis! A'ct'heure, liche-toi la patte!"

Et moi, ils m'ont renvoyé ici vous dire que le petit renard est bien plus fin que l'ours. 1

66. JEAN-CUIT. 2

C'était un roi qui s'appelait Jean-Cuit. Et son seul fils s'appelait aussi, comme lui, Jean-Cuit.

Le garçon était sur l'âge de se marier, et son père et sa mère devenaient vieux. Un jour, le père dit: "Cou'don, mon jeune homme, nous velà vieux. Ça nous ferait bien plaisir de te voir marié; et tu ne m'as pas l'air à faire grand'chose."- "Mon père, dans cette placeci, je ne trouve pas 'de mon goût.'" 5 "C'est bon! je vas te grèyer un bâtiment." De fait, il lui grèye une belle frégate, et il y met de l'or et de l'argent.

1 Prononcé l'our.

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2 Raconté par Paul Patry, à Saint-Victor, Beauce, en août, 1914. Patry, dans sa jeunesse, apprit ce conte de son frère, Frédéric Patry, alors résidant à Halifax, N.-E. Le nom "John Cook" donné par le conteur, est ici traduit.

• Voilà.

I.e., je ne trouve personne à mon goût.

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