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relever. [Michel Morin] pleura pendant longtemps, autant comme la sainte Madeleine a pleuré dans toute sa vie.

Or, ce pauv' Michel Morin monta dans un arbre pour dénicheter des m[e]rles. Il monte... Quand il fut rendus à la tête, il s'écria: "Victoire! dans un instant, je vas l'avoir." Mais la branche cassa; il descenda de branche en branche. Il tomba haut-en-bas; il se cassa les reins. "Vite, vite! allez chercher le notaire, que je fasse mon testament."

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"Ecrivez, notaire!" Son fils s'avance à lui. "Est-ce que je n'aurai pas quelque don de vous, mon père?" "Avance, mon fils! je te donne "Merci bien, poupa!” mon creux, mon estomac et mon tabac." Son filleu s'avance à lui. "Est-ce que je n'aurai pas quelque don de vous, mon parrain ?" "Avance, mon filleu! Je te donne fagots de beauté, fagots d'épines, fagots de renfort collure, un bon rondin pour te dégourdir les reins. Tu passeras pour le meilleur forcateur (fagoteur) de France." "Merci bien, mon parrain!" Il y avait une vieille cuisinière qui faisait la cuisine depuis trente ans; [elle] avance à lui et elle dit: "Est-ce que je n'aurai pas quelque don de vous, mon maître ?" — "Oui, avance, Claudine, avec tes grosses babines! Prends trois œufs de la grosse poule noire; tu t'en feras une omelette, dans la grande chaudière de fer. Tu en auras même pour te décarêmer; [mais ça] ne te figera pas sur le cœur." "Merci bien, mon maître!" Le notaire prend parole: "Ecrire tout ce que vous me dires, ça prendrait un livre entier." "Ecrivez, notaire! c'est moi qui vous le dit. Vous ne trouverez [pas tous les jours] de ces hommes d'avantages!"

(Voilà Michel Morin mort.) [Ah!] que nous avons perdu gros en perdant ce pauvre Michel Morin, [lui] qui nous contait souvent l'histoire des esprignes (spring: ressorts), chez sa tante et sa cousine. [Il faut dire] qu'il avait toujours bon compte; il gagnait bonnes gages..., mais il tenait toujours le large!...

C.-M. BARBEAU.]

76. JEAN BARIBEAU.

Parfois nos conteurs, tourmentés par des auditeurs insatiables, se plaisent à les mystifier en leur récitant une rengaine, ou trait qui forme une chaîne sans fin, en se répétant. Une des rengaines les plus remarquables et qui remporte le plus de succès est celle de "Jean Baribeau:"

Jean Baribeau naquit de parents pauvres, mais voleurs. Ceux-ci, qui l'aimaient de l'amour le plus tendre, le chassèrent de leur maison, à l'âge de trois ans. C'est alors qu'il se dirigea vers la capitale, pour y compléter ses études.

Mais les luttes politiques et les chagrins d'amour le conduisirent bientôt aux portes du tombeau. On appella les médecins les plus renommés, et, grâce à leurs soins éclairés, il expira. Sa fiancée lui fit ériger un monument magnifique, sur lequel ces mots furent gravés:

"Ci-gît Jean Baribeau, né de parents pauvres, mais voleurs. Ceux-ci qui l'aimaient de l'amour le plus tendre..." (Recommencé et répété ad libitum.)1

Après quelques récriminations de la part des auditeurs que cette répétition ennuie, le conteur feint de sortir du cercle vicieux dans lequel il tourne, en changeant ainsi le récit:

Sa fiancée lui fit faire des funérailles magnifiques. Tout le monde pleurait; le chef des pompiers pleurait dans son casque. De ce casque déjà plein, une larme glissa, tomba, germa, poussa. Le fils du roi, passant par là, trébucha, tomba, se tua. Son père, qui l'aimait à la folie, lui fit des funérailles magnifiques. Tout le monde pleurait; le chef des pompiers... (Recommencé).

Après s'être ainsi payé deux fois la tête de ses auditeurs, le conteur peut ordinairement jouir d'un repos bien gagné.

77. VENTRE DE SON!

Voici une formule en usage chez les nourrices, dans la région de SaintHyacinthe. On attire l'attention de l'enfant, en le tenant debout devant soi et en frappant du bout du doigt chaque partie de son corps, quand on la nomme:

Ventre de son!
Estomac de plomb!
Gorge de pigeon!
Cou tordu!2

Menton fourchu!

1 M. Louvigny de Montigny a entendu maintes fois la première partie de cette rengaine, dans les comtés environnant Montréal.

2 Cette ligne a été ajoutée ici par M. Louvigny de Montigny, qui, il y a plus de vingt-cinq ans, entendit réciter cette formule, dans le comté de Berthier.

Bouche d'argent!
Nez cancan!

Joue bouillie

Joue rôtie!

Petit œil!

Gros œil!

Oreillon!

Oreillette!

Sourcillon!

Sourcillette!

Cogne, cogne,

Cogne la caboche!

78. LA SERVIETTE MAGIQUE. 1

C'est donc pour vous dire qu'il y avait, une fois, un roi et une reine qui avaient trois princes. Le roi aimait bien les deux plus vieux, mais il déjetait le plus jeune, Petit-Jean.

Un jour, les deux princes lui demandent de leur gréer chacun un bâtiment, pour aller voir du pays. Le roi leur donne à chacun un beau bâtiment, avec des serviteurs. Le plus jeune prince, lui demande aussi un bâtiment; mais son père ne veut pas lui en donner. La reine dit au roi: "Sire le roi, il faut que vous fassiez autant pour Petit-Jean que pour ses frères, parce qu'il est votre enfant, lui aussi." Le roi n'est pas content, mais il donne tout de même un bâtiment à PetitJean, et il dit à ses serviteurs, s'ils ont la chance de l'abandonner quelque part, de le laisser là et de s'en revenir sans lui, avec le bâtiment.

Les trois frères partent donc sur la mer et arrivent à une place où il y a trois bras de mer. Le plus vieux dit: "Je prends ce bras de mer-ci;" le second dit: "Je prends celui-là;" Petit-Jean n'a pas à choisir; il continue dans le bras de mer qui est tout droit en face de lui.

Petit-Jean arrive à une île où il n'y a personne; il voit un petit chemin qui part du bord de la mer et monte du côté d'un grand bois. Il se fait descendre à terre et dit à ses hommes de l'attendre jusqu'au coucher du soleil, pendant qu'il ira voir où ce chemin conduit. Mais à peine a-t-il disparu dans le bois que les serviteurs retournent au bâtiment, et le capitaine part, laissant Petit-Jean sur l'île.

Lorsque Petit-Jean revient au bord de la mer, il aperçoit son bâtiment qui s'en va; ce qui le met bien en peine. Il fait des signes; mais ça ne sert à rien, et il voit bien qu'on l'a trompé. Il retourne dans le chemin sans savoir ce qu'il fera, parce qu'il n'a rien à manger; il n'a rien pour se défendre contre les bêtes féroces.

1 Raconté par Joseph Véronneau, journalier, de Saint-Basile-le-Grand (Chambly), qui l'avait appris, dans son enfance, à Sainte-Julie (Verchères). M. Morin s'étant fait raconter ce conte, a pu, deux jours après, le dicter assez fidèlement et sans notes. Le récit du conteur occupe plus d'une heure.

Une vieille vient à lui, qui lui dit: "Bonjour, mon Petit-Jean!" -"Bonjour, bonne memère!" - "Qu'est-ce que tu viens faire ici, mon Petit-Jean?"-"Je ne sais pas ce que je viens faire, bonne memère! J'ai été abandonné par mon bâtiment; je n'ai rien à manger, et j'ai bien peur d'être dévoré par les bêtes féroces." La bonne vieille, étant une fée, lui donne une petite serviette en lui disant: "Tiens, mon Petit-Jean, prends cela; quand tu voudras manger, tu étendras ta serviette par terre et tu diras:

'Par la vertu de ma serviette,

Je veux que le couvert se mette;'

Et tu en auras pour ta faim et pour la faim de tous ceux que tu voudras." "Merci, bonne memère!" qu'il lui dit; et il continue dans le chemin.

Arrivé au bord du bois, Petit-Jean commençe à avoir faim, et il se dit: "Il faut que j'essaie la vertu de ma serviette." Il l'étend à terre sur l'herbe, en disant:

"Par la vertu de ma serviette,
Je veux que le couvert se mette
Pour la faim de Petit-Jean."

Aussitôt se trouve toute espèce de gibier rôti et toute sorte de friandises; Petit-Jean mange à sa faim; et, bien content, il prend la serviette et la remet dans sa poche.

Arrivé dans le bois, il aperçoit venir un géant qui fait revoler la poussière cent pieds de haut. Dès que le géant le voit, il lui crie: "Que viens-tu faire ici, ver de terre?" Petit-Jean lui répond: "Je cherche mon chemin." Le géant lui dit: "Je vas te montrer ton chemin tout de suite, en t'avalant en deux bouchées, car je n'en ai pas pour le creux de ma grosse dent." Petit-Jean lui répond: "Combien vous en faudrait-il comme moi, pour manger à votre faim?" "Il m'en faudrait quatorze comme toi."-"Dans ce cas-là, répond Petit-Jean, il y a moyen de s'entendre; si je vous donne à manger à votre faim, vous n'avez pas besoin de m'avaler?" Le géant lui dit: "Ce n'est pas le temps de rire, parce que j'ai faim." Petit-Jean lui répond: "C'est-il un marché fait ?" Et il étend sa serviette, en disant:

"Par la vertu de ma serviette,
Je veux que le couvert se mette
Pour la faim du géant."

---

Aussitôt la terre est couverte de pâtés, de rôtis et de toutes sortes de friandises. Il y en a tant que le géant en a pour rassasier sa faim, et

il lui en reste encore. Il dit à Petit-Jean: "Tu devrais bien me donner ta serviette." Petit-Jean répond: "Non, j'en aurai encore besoin." Le géant reprend: "Mange à ta faim avec ce qui reste, et donne-moi ta serviette." Petit-Jean ne veut pas. Le géant dit: "Si tu ne veux pas me la donner, veux-tu la changer?" "Qu'est-ce que vous allez me donner?" - "Je vas te donner mon sabre de sept lieues, qui coupe à n'importe quelle distance jusqu'à sept lieues." Petit-Jean a une idée; il dit: "C'est un marché fait." Il donne sa serviette et prend le sabre.

Le géant part. Quand il a fait une lieue, Petit-Jean prend son sabre et lui coupe la tête. Il va alors chercher sa serviette, qu'il met dans sa poche, et il continue son chemin, pensant: "Je n'aurai pas peur à présent de me faire dévorer par les bêtes féroces."

Un peu plus loin, il voit venir un autre géant qui fait revoler la poussière à deux cents pieds de haut. Le géant lui dit, en le voyant: "Que viens-tu faire ici, ver de terre ?" Petit-Jean répond: "Je cherche mon chemin." "Je vas te le montrer tout de suite, ton chemin! Je n'en ai pas pour ma grosse dent de toi." "Combien vous en faut-il comme moi pour vous rassasier?" "Il m'en faudrait au moins vingt."

- "S'il ne vous faut que cela, répond Petit-Jean, il y a moyen de s'arranger." Il déplie sa serviette et dit:

"Par la vertu de ma serviette,

Je veux que le couvert se mette
Pour la faim du géant."

Aussitôt la terre est couverte de toute espèce de viandes et de friandises, et le géant mange à sa faim. Il dit à Petit-Jean: "Tu devrais bien me donner ta serviette." Petit-Jean répond: "J'en ai encore besoin." Le géant lui dit: "Mange à ta faim, et tu n'en auras plus besoin." Petit-Jean reprend: "J'en aurai besoin demain, parce que la faim me reviendra." "Si tu ne veux pas me la donner, veux-tu la changer?" -"Qu'est-ce que vous allez me donner?" répond Petit-Jean. "Je vas te donner mon cor merveilleux; tu n'as qu'à souffler dedans, et il en sortira tous les hommes dont tu auras besoin et qui travailleront pour toi." "Mais si je n'ai pas ma serviette pour les nourrir, répond Petit-Jean, qu'est-ce que j'en ferai?" "Tu n'auras qu'à 'retire: ton vent' et les hommes rentreront dans le cor merveilleux." Petit-Jean a une idée; il donne sa serviette, prend le cor merveilleux et continue son chemin. Lorsqu'il a fait environ une lieue, il se retourne, prend son sabre de sept lieues et coupe la tête du géant. Il va chercher sa serviette et continue son chemin.

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Il arrive en face d'un beau château tout muré, sans porte ni chassis. 1 Il voudrait bien entrer dans le château pour voir ce qu'il y a dedans,

1 Dans le sens de "fenêtre."

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