Obrázky stránek
PDF
ePub

[ocr errors]

fait le tour. Comme il va pour sortir, il aperçoit un bouquet sans pareil. "Ah! il dit, la plus jeune de mes filles m'a demandé de lui apporter un bouquet; je ne pourrais pas lui en trouver de plus beau que celui-ci." Casse le bouquet, et c'qui ressoud1 à lui? Une bête féroce: "Eh, eh, mon ami! dit la bête, qui vous a dit de casser ce bouquet?" "Personne ne me l'a dit." "Quelqu'un vous l'a demandé; sans ça, vous ne l'auriez pas cassé."-"Je ne pensais pas voler en cassant ce bouquet, vu qu'il y en a tant." La bête dit: "Ce bouquet va vous coûter cher."-"Comment ça ?" - "Ce bouquet, dans un an et un jour, va vous coûter la vie ou la vie de la fille qui vous l'a demandé. A'ct'heure, je vas vous enseigner le chemin qui conduit chez vous." A la porte du château, la bête ajoute: "Si, dans un an et un jour, vous et votre fille n'êtes pas tous deux ici, votre vie sera au boute." Rendu à la maison, l'habitant donne les robes à ses filles, et le bouquet, à la cadette.

Au bout d'un an et un jour l'année s'était vite écoulée! il dit à sa fille cadette: "Grèye-toi! Nous allons en ville, aujourd'hui."

3

Le même soir, en arrivant au château de la bête féroce, l'habitant met ses chevaux dedans, les soigne au foin et à l'avoine, et il s'en vient trouver sa fille. On ne voit encore personne, au château. Une porte s'ouvre, et sur une table bien grèyée, il y a deux couverts de servis, au lieu d'un. Après souper, quand vient l'heure de se coucher, au lieu d'un lit, comme la première fois, il y en a deux. Ils se couchent et dorment.

6

Le lendemain matin, le père va faire son train comme d'habitude, et quand il vient déjeuner, il y a deux couverts de servis. Quand ils vont pour repartir, une porte s'ouvre sur le jardin, et ils entrent tous les deux faire un tour. Arrivés là où se trouve le beau bouquet, qu'est-ce qui ressoud? 5 La bête féroce. La fille commence à reculer, recule. "Ah, ah! mon amie, dit la bête, je ne veux faire ici de mal à personne. Mais, il faut que vous m'épousiez. Autrement, la vie de votre père va y passer, parce que, il y a un an et un jour, il a cassé ce bouquet pour vous." "Depuis que c'est moi qui en suis la cause, elle dit, j'aime mieux vous épouser que de laisser périr mon père." L'habitant prend la forêt et s'en retourne chez lui en braillant, pendant que sa fille reste au château, avec la bête féroce un homme amorphose, qui, le jour, est en bête féroce et, la nuit, en beau prince. Au bout d'un an, la fille commence à trouver le temps long. Ça fait bien longtemps qu'elle est partie de chez elle! La nuit, elle ne s'ennuie pas avec le beau prince, son mari; mais, le jour, pendant

[blocks in formation]

8

Sa besogne; i.e., soigner ses animaux. • Pelletier dit: "tirer de l'arrière, tire." 8 Pleurant.

qu'il est parti, en bête féroce, elle pense à ses parents et s'ennuie. Le soir, elle demande au prince: "Y a-t-il un moyen pour que j'aille chez nous, les voir ?" "Oui, il y a un moyen; et il ne faut pas perdre grand temps. Je vas te l'enseigner; mais prends bien garde de me tromper." "Je t'en donne ma parole! je ne te tromperai point." -"A'ct'heure, il faut que tu jettes tous mes joyaux sur la table. Quand tu l'auras fait, tu pourras partir, et dans un rien de temps,' tu seras rendue. Pour revenir, tu feras la même chose. Mais écoute! Il ne faut pas que tu restes chez vous plus que trois jours." En jetant les joyaux sur la table, dans un 'rien de temps,' la voilà rendue chez son père. Ses gens sont bien contents de la voir revenue.

Le temps ne paraît pas long; ça jase tant! Le troisième jour passe, et le quatrième arrive. Elle jette vitement ses joyaux sur la table. D'un coup elle est rendue dans le jardin de son château, Elle fait le tour du jardin, mais sans trouver la bête féroce. Entendant une plainte qui vient du ruisseau, elle aperçoit la bête qui achève de se mourir. "Ah! tu es arrivée à temps. Un peu plus tard, tu m'aurais trouvé mort." Prenant sur ses genoux le prince métamorphosé, elle réussit à le ramener à la vie, petit à petit.

Il y avait bien deux ans que la fille vivait dans le château avec son prince, quand, un jour, une vieille fée vient lui rendre visite. Le lendemain et les jours suivants, la fée revient encore jaser. A la fin, elle demande: "Comment se fait-il que, le jour, il est en bête féroce, et, la nuit, en beau prince? Tâche donc d'apprendre de lui comment il faut s'y prendre pour le 'délivrer."" Et elle sort du château sans que personne ne la voie.

Le soir, le prince ne veut rien dire à sa femme qui cherche à tout savoir: "J'ai peur, ma chère, que tu me trahisses; et je n'ose te le dire."

Quand la fée revient, le lendemain, chercher des nouvelles, elle est désappointée de ne pas apprendre le secret.

Le soir, comme sa femme lui demande encore son secret, il se dit: "C'est pourtant pas mal sûr. Personne ne vient ici à qui elle peut le dire." Il se décide alors à céder: "Pour me délivrer de cette peau de bête, il faudrait faire un feu pour la brûler tout entière et pour que pas un poil ne reste. Sans ça, tu ne me reverrais jamais de ta vie."

Une fois le secret révélé à la vieille sorcière, le lendemain, elle se frappe dans les mains en disant: "Dis" donc rien! Ce soir, j'arrangerai bien ça."

Se préparant à se coucher comme d'habitude, le soir, le prince jette sa peau de bête au pied de la couchette, se couche et s'endort. La

1 Pelletier dit: "qui se met après lui pour tout savoir." 2 Ne dis...

Lit; ce mot n'est pas ici un diminutif.

1

fée, de son côté, prépare un bon feu dans la cour, et quand elle le voit bien chaud, elle vient sur le bout des pieds dans la chambre du prince, pogne la peau et la jette dans le feu. "Eh! eh! tu m'as trahi!" crie le prince, en faisant un saut de quatre pieds de haut, dans le lit. En trois bonds, il saute dans la forêt, où il disparaît, sa femme courant derrière, mais sans pouvoir le rejoindre. Avant de disparaître, il lâche un cri: "Ma femme, tu m'as trahi! Pour me retrouver, il faudra que tu uses une paire de sabots d'acier de six pouces d'épaisseur. 1 Autrement, jamais tu ne me reverras." Voyant ça, elle revient au château, se grèye de quoi manger, part derrière la bête féroce dans la forêt, et file, file. Après une escousse, 2 se sentant fatiguée, elle s'assied et, seule dans la forêt, elle se met à pleurer. Puis, se relevant, elle marche encore, marche. Quatre ou cinq jours après, elle arrive chez un forgeron. "Bonjour, monsieur le forgeron!"-"Bonjour, ma chère dame!"-"Vous n'avez pas vu un beau prince passer ici ?"

"Oui, quelqu'un a passé ici il y a sept ou huit jours." "Monsieur le forgeron, c'était mon mari!... Comment me demandezvous pour me faire une paire de sabots en acier, de six pouces d'épaisseur?" "Ma chère dame, je demanderais un an et un jour de votre temps." Il s'agissait donc pour elle de rester chez le forgeron, à son service, pendant un an et un jour. Comme c'était là le seul moyen d'obtenir des sabots d'acier, elle donne un an et un jour de son temps. Pendant ce temps, elle jongle à 3 un moyen de rejoindre son mari.

Au bout d'un an et un jour, le forgeron lui remet sa paire de sabots d'acier de six pouces d'épaisseur. Avec ses sabots, elle prend la forêt et file, file. Après une quinzaine de jours, elle rencontre une vieille fée. "Bonjour, vieille fée!"-"Bonjour, ma fille! Dis-moi donc où tu vas? Je n'ai pas coutume de laisser passer les gens ici." -"Vous n'avez pas vu un prince passer ici, il y a à peu près un an et un jour?"-"Non, il m'est défendu de laisser passer personne ici. Mais peut-être a-t-il passé durant la nuit."-"Bonne fée! laissez-moi donc passer, moi qui suis à la recherche de mon mari. Vous voyez mes sabots d'acier? Je ne le retrouverai que quand ils seront usés." La fée répond: "Passe donc et va ton chemin!" Mais elle la rappelle et lui dit: "Embarque dans les sabots que voici, et traîne après toi tes souliers d'acier. Comme ça, ils s'useront, et tu seras bien plus vite rendue. Mais je ne sais pas si mes deux sœurs vont te laisser passer. Elles sont bien plus malignes que moi; elle le sont comme sept fois le diable. Je me demande comment elles vont prendre ça..." En lui donnant une petite paire de ciseaux, la fée dit: "En pointant ces petits ciseaux vers quelque chose, tout ce que tu voudras faire sera fait dans le 'temps de rien,' et de soi." - "Merci, bonne 1 Pelletier disait: "de six pouces d'épais." I.e., un laps de temps.

Réfléchit, songe à...

vieille fée!" dit la femme, en mettant les ciseaux dans sa poche. Puis, embarquant dans ses nouveaux sabots, elle traîne les siens en arrière d'elle, avec une petite corde, et file, file.

Rendu à la porte de la deuxième vieille fée, elle reconnaît sa maison, parce qu'il y a cinq ou six pouces de mousse, sur le toit. Comme la première fée lui avait dit: "Une fois rendue chez ma sœur, tu revireras mes sabots de bord, et ils reviendront me trouver," elle revire les sabots, qui s'en retournent seuls dans la forêt. La vieille fée sort de sa maison et se met après la voyageuse: "Dis-moi d'où c'que tu pars et d'où c'que tu viens?" "Je cherche mon mari."-"J'ai bien envie de t'étrangler! Il n'y a pas moyen que je te laisse passer ici.” — “Ne faites pas ça, bonne vieille fée! Il faut que je retrouve mon mari, que j'ai perdu il y a plus d'un an et un jour." A la fin, la vieille se résoud à la laisser passer, et lui enseigne le chemin et l'endroit où est la troisième fée. "Merci, bonne vieille fée, merci bien!" Elle est à peine partie que la vieille la rappelle: "Viens ici, j'ai un petit présent à te faire. Peut-être te causera-t-il plus tard du bonheur." Et elle lui donne un petit violon qui, aussitôt qu'on hâle sur l'archette, joue à sept lieues à la ronde. 1

Avant qu'elle reparte, elle lui dit: "Prends bien garde à toi! Mon autre sœur, que tu vas voir, est bien plus maligne que moi. C'est d'elle que tu apprendras si ton mari s'est rendu à la montagne Vitreuse, tout près de là." Comme sa sœur, elle lui donne une paire de sabots, en disant: "Mets-les et traîne les tiens en arrière de toi, pour qu'ils s'usent plus vite; et, arrivée chez ma sœur, revire les En disant "Merci!" la miens de bord, pour qu'ils reviennent." voyageuse repart et file dans la forêt.

Une fois rendue à la maison couverte de mousse de la troisième fée, elle revire les sabots de bord, met ses sabots d'acier de six pouces d'épaisseur, et s'en va frapper à la porte. En fureur, la vieille sorcière 2 ouvre la porte, Elle a l'air d'une bête féroce qui, avec ses grandes dents dans une gueule d'un pied de large, veut dévorer sa visiteuse. 3 "Bonne vieille fée, ne me dévorez pas! Je suis à la recherche de mon mari, qu'il me faut retrouver." En achevant de lui raconter son histoire, elle dit: "Votre sœur m'a parlé de vous, et elle croit que mon mari a dû passer ici, il y a un an et un jour." La fée répond: "Oui, quelqu'un a passé ici, il y a un an et un jour." "Voulez-vous m'aider à le retrouver, bonne fée ?" "A'ct'heure, dit la fée, je ne vois pas d'autre moyen que mes sabots. Mets mes sabots et traîne les tiens après toi, pour qu'ils s'usent plus vite. Et 1 I.e., se fait entendre à...

2 Au lieu du mot "fée," Pelletier emploie ici le mot "sorcière," indiquant ainsi que les deux sont synonymes.

3 Pelletier dit: "sa visite."

A

quand tu seras rendue près de la montagne Vitreuse, tu les revireras de bord, pour qu'ils reviennent ici. Avant que tu partes, j'ai un petit présent à te faire: voici une serviette qui te donnera tout ce que tu souhaiteras à boire et à manger, aussitôt que tu l'étendras sur tes genoux." La voyageuse est à peine repartie que la fée la rappelle et dit: "En arrivant près de la montagne Vitreuse, tu verras qu'il est impossible d'en approcher. Au bas de la côte, il y aura des corbeaux mangeant les bêtes mortes que le roi y fait jeter. Quand les corbeaux viendront manger, tu sauteras sur le plus gros, et tu ne le lâcheras pas tant qu'il ne t'aura pas promis de te porter à la montagne Vitreuse." - "Merci, bonne fée!" dit la femme, en partant.

Rendue à la montagne Vitreuse, elle revire les sabots de bord, et s'en va s'asseoir près des bêtes mortes, en attendant l'arrivée des corbeaux. ' à coup un nuage approche; ce sont les corbeaux qui arrivente mettent à dévorer la charogne. La femme pogne le plus gros des corbeaux. "Largue-moi!" dit le corbeau. "P'en'toute! Il faut que tu me portes au haut de la montagne Vitreuse." Avant de partir, elle grèye de quoi manger pour le corbeau, dans un panier, et elle monte sur son dos. Le corbeau prend sa volée, et en montant vers la montagne, chaque fois qu'il ouvre le bec en se retournant, elle lui jette un quartier de bœuf pour lui donner la force de monter. Le corbeau se retourne si souvent que la viande commence betô2 à manquer. Il faut donc la ménager. Juste à temps, en arrivant au bord de la montagne Vitreuse, le corbeau se retourne en ouvrant le bec. Mais comme il n'y a plus de viande, le corbeau la laisse tomber à terre, vire de bord et s'en va.

La voyageuse prend le chemin du château et elle apprend, le long de la route, que son prince s'était remarié en secondes noces. En arrivant au château, elle le rencontre bien, mais elle a de la misère à le reconnaître, et lui ne se souvient de rien. N'osant pas lui parler, ni dire qui elle est, elle s'engage servante pour mettre la table et servir le roi. Il y a là des servantes partout, d'un bord et de l'autre. Elle s'assied, prend ses petits ciseaux et commence à tailler quelque chose. Les servantes la regardent faire, et s'en vont trouver la princesse: "Princesse, votre nouvelle servante a des petits ciseaux sans pareils. Aussitôt qu'elle taille quelque chose ça se fait dans un 'rien de temps.' Il faut le voir!" La faisant appeler, la princesse demande: "Veux-tu me vendre tes petits ciseaux?" "Non, ils ne sont pas à vendre, mais à gagner."—"Que faut-il faire pour les gagner?" - "Il faudra que vous me laissiez passer la nuit avec le prince. J'ai à lui parler."-"Vous voyez bien qu'il n'y a pas de bon sens à ça, et seulement pour une paire de ciseaux." - "C'est 1 Pour pas en tout, pas du tout.

[ocr errors]

2 Bientôt.

« PředchozíPokračovat »