Obrázky stránek
PDF
ePub

comme vous dites." Les servantes s'approchent en arrière de la princesse et elles lui disent: "Vous avez de l'eau d'endormitoir; vous en donnerez un verre à votre prince avant qu'il s'endorme, et la servante ne pourra pas jaser avec lui." Toujours que le marché est fait, et la servante donne ses ciseaux.

Le soir, on fait boire un verre d'eau d'endormitoir au prince; et quand la servante vient pour lui parler, il dort et il dort. Elle commence à le pousser; mais il dort. Pas moyen! "Jamais je ne pourrai croire que c'est impossible de le réveiller!" En le secouant, elle dit: "Je suis ta femme, la fille d'habitant qui t'a épousé pour l'amour d'un bouquet. Reconnais-moi donc!" Malgré qu'il reste sans connaissance, elle continue: "Tu vois bien, j'ai ton jonc et le mouchoir où ton nom est marqué. Ah! je vois bien que tu ne peux pas me reconnaître et que je vas périr ici. Pour que tu te souvieras de moi, je laisserai un mot derrière un cadre."

Le lendemain matin, pour se venger, la princesse fait jeter1 sa nouvelle servante dans les basses-fosses, pour qu'elle y périsse.

Quand le prince s'en va faire son train 2 et son ouvrage, un valet, qui couchait près de sa chambre et qui avait eu connaissance de ce qui s'était passé, la nuit, lui dit: "Sire le roi! allez donc voir derrière un cadre, dans votre chambre. Vous y trouverez un mouchoir, un jonc et une lettre. Si vous allez les chercher, celle qui les y a mis trouvera bien moyen de continuer à vous parler de la même manière.” Bien content, le prince s'en va voir à sa chambre, trouve les objets et la lettre. Mais, il ne comprend pas grand'chose à tout ça.

La servante, dans sa prison, prend sa petite serviette, l'escoue, 3 la met sur ses genoux. Voilà qu'il s'y trouve tout ce qu'il faut pour manger et pour boire. Celles qui la guettent s'en vont rapporter ça à la princesse, qui s'empresse de venir. "Veux-tu me vendre cette serviette ?" demande-t-elle. "Non! elle n'est pas à vendre, mais à gagner." "Que faut-il faire pour la gagner?"—"Il faut que je passe la nuit avec le prince. Autrement, je garde ma petite serviette." La princesse pense: "Dis-moi donc! moi qui voulais la faire périr dans les basses-fosses, il va falloir que je la laisse sortir." Mais elle tient tant à la serviette qu'elle accepte, et le marché passe. Le valet vient trouver le prince et lui dit: "Tâchez donc, mon maître, de vous tenir réveillé, ce soir. Celle qui vous a parlé n'a plus que deux fois à revenir. Après ça, sa vie sera au boute." Le roi, qui commence à se souvenir du temps passé, mais sans en être sûr et certain, se promet bien de ne pas dormir. Mais quand sa princesse revient, le soir, lui donner de l'eau d'endormitoir, comme un fou il la prend et s'endort. Quand la servante arrive pour jaser avec 1 Pelletier dit: "saprer sa... servante dans..."

2 Soigner ses animaux.

3 I.e., la secoue.

lui, il est là qui dort et dort. Elle a beau vouloir le réveiller, il dort. Là, derrière la porte, la princesse écoute tout ce qu'elle dit, et se doute bien de sa trahison.1 Voyant que rien ne peut réussir, la servante se dit: "Si nous ne pouvons pas nous parler demain soir, ici, je serai mise à mort. Je n'ai plus qu'un article qui m'aidera à te voir." Vers le matin, elle sort, emportant le jonc qu'elle a laissé, la veille.

La princesse la fait encore jeter dans les basses-fosses, pour qu'elle y périsse. A la servante il ne reste plus que le petit violon que lui a donné la vieille fée. En y pensant, le violon se met à jouer, rien de plus beau, à sept lieues à la ronde. La princesse commence à danser, danse, et rien ne peut l'arrêter. Tout le monde danse aussi, que la poussière en revole. "Bonne servante! arrêtez donc votre violon!" Mais la servante n'écoute point, et tout le monde continue à danser de plus belle. La princesse, en dansant, vient lui demander: "Arrêtez donc votre violon!" "Je ne l'arrêterai rien que si vous me promettez de me laisser passer la nuit avec le prince."-"Ça n'a pas de bon sens, ma servante," répond la princesse. Mais on vient lui dire à l'oreille: "Acceptez donc! Si vous donnez au prince de l'eau d'endormitoir, ça sera comme les autres nuits." La princesse dit à la servante: "Arrête ton violon! J'accepte." Tout le monde est trempe en navette, 2 à force de danser.

Le soir arrivé, la princesse verse encore de l'eau d'endormitoir. Mais, se doutant du tour qu'elle veut lui jouer, le prince se met à jaser et, faisant semblant de rien, il renverse son verre, et s'en va se coucher. La princesse vient voir s'il dort bien; et comme il ronfle, elle décide d'envoyer la servante à sa chambre. En arrivant, la servante s'assied sans dire un mot et attend que tout le monde dorme, dans le château. Quand le temps est venu, elle parle: "Cou'don, mon mari! ne m'as-tu pas dit, une fois, que je te retrouverais après avoir usé une paire de sabots d'acier de six pouces d'épaisseur? Eh ben! mes sabots sont usés et je t'ai aujourd'hui retrouvé." Le voyant réveillé, elle continue: "Te souviens-tu de l'habitant qui a cassé un bouquet dans le jardin de ton château, quand tu étais amorphosé en bête féroce, le jour, et en beau prince, la nuit? C'est moi, ta femme, qui viens te reconnaître aujourd'hui, après avoir usé une paire de sabots en acier de six pouces d'épaisseur. Une vieille sorcière était venue au château et nous avait trahis, tous les deux. Mais je t'ai retrouvé. Reconnais-tu ton mouchoir brodé, que voici? Ton nom 'Prince en nuit et bête féroce en jour' y est écrit." Le prince répond: "Demain, il y aura une décision, vu que je suis marié en secondes noces.'

Le prince, de bon matin, fait venir tous ses valets et ses servantes à table, pour déjeuner. Quand ils ont mangé, il dit: "Ecoutez! une Voici le texte de Pelletier: "Elle voit bien que c'est quelque trahi qu'elle veut lui faire." • Mouillé comme une lavette.

fois, j'avais une valise et une clef qui l'ouvrait bien. Ayant perdu cette clef, un jour, j'en ai racheté une autre. Mais, aujourd'hui, j'ai retrouvé la vieille clef qui fait mieux que la neuve. Laquelle des deux clefs dois-je garder?" Les servantes et les valets disent tous: "Depuis que vous avez trouvé la vieille clef, la meilleure des deux, jetez de côté la neuve."—"Bien! j'ai été trahi, il y a [plus d'un an et un jour; mais je viens de retrouver ma femme, qui a usé une paire de sabots d'acier de six pouces d'épaisseur pour venir à moi. C'est elle, ma femme!" A la deuxième femme, l'on dit: "Puisque ce n'est pas vous, la princesse, venez à la cuisine, où vous resterez comme servante." Mais elle répond: "Jamais je ne m'engagerai ici comme servante. Avec les petits ciseaux, la serviette et le violon que j'ai eus, je devrais être capable de gagner ma vie. Bonsoir, la compagnie! Et toi, la princesse! bonne chance avec ton mari, que j'ai épousé comme toi!"

49. LA BELLE-JARRETIÈRE-VERTE. 3

Une fois, c'est bon de vous dire, c'était un roi, qui avait trois garçons.

Il leur demande un jour quel métier ils veulent choisir. Il y en a un qui dit: "Papa, moi, j'apprends le 'métier' de franc voleur." L'autre dit: "Moi, j'apprends le 'métier' de cultiver la terre." Le troisième, dont le nom est Beau-prince, dit: "Je prends le 'métier' de jouer aux dés." Le roi répond: "Mon garçon, cle n'est pas un beau 'métier' [que celui de] jouer aux dés. Tu devrais faire un autre choix." "Papa, moi, je fais à mon idée."

Beau-prince part donc et il s'en va se chercher des dés. Le long du chemin, c'qu'il rencontre? Monsieur Bon-évêque. "Bonjour, monsieur Bon-évêque!" - "Bonjour, monsieur Beau-prince! voulezvous jouer une partie de dés?"-"C'est bon! on jouera ben." Les voilà qui se mettent à jouer aux dés. C'est Beau-prince qui gagne. Bon-évêque dit: "Que me demandez-vous, Beau-prince?" "Je vous demande que le château de poupa soit tout en or et en argent et soit soulevé sur quatre chaînes d'or." Bon-évêque répond: "Allezvous-en! tel que vous demandez ça sera fait." Beau-prince part, et tel qu'il l'a demandé, c'est fait. S'en allant trouver son père et sa mère, il dit: "Vous ne pensiez pas que jouer aux dés était un bon 'métier.' Eh ben! voilà votre château viré en or et en argent. Pas un roi n'en a de si beau."

2 Puisque.

1 Pelletier dit: "qui faisait ben dessus.” Récité par Achille Fournier, à Sainte-Anne, Kamouraska, en juillet, 1915. Fournier dit avoir appris ce conte d'un Canadien-français, dans les chantiers du NewHampshire, il y a à peu près trente ans. "Quand j'étais jeune, dit Fournier, j'apprenais ces contes-là en les entendant une seule fois. Je pouvais les retenir mot à mot.'

4 Changé.

.

la Belle-jarretière-verte reviendra chercher sa jarretière, elle ne la trouvera point." De fait, la Belle-jarretière-verte revient chercher sa jarretière; trouve pas de jarretière. Elle dit à ses sœurs: "Il est venu un jeune homme ici, betô. 2 C'est peut-être lui qui a pris ma jarretière verte? Je vas aller le trouver." Elle s'approche du jeune homme et demande: "Est-ce toi, Beau-prince, qui a pris ma belle jarretière verte ?" "Non, ce n'est pas moi." - "C'est toi qui l'as pris." - "Ben! ma Belle-jarretière-verte, je ne te la donnerai pas tant que tu ne m'auras pas passé cette rivière." "Es-tu fou? Je vas te passer la rivière sur mon dos, d'ct'heure!" "Belle princesse! faites-en votre résolution." Elle se change en canard, et lui passe la rivière sur son dos.

6

4

Un coup de l'autre bord de la rivière, elle dit: "Beau-prince, tu vas trouver là mon père, qui est Bon-évêque. Pour commencer, il va te faire coucher dans la cave, sur les pétaques. 5 Ensuite il va te donner à faire, dans la journée, un bâtiment couvert en plume, pour y marcher jusqu'à la cheville du pied. Et puis, il t'offrira une vieille ou une nouvelle hache. Prends la vieille! Il te dira 'T'es pas encore trop fou.' Après ça, il va te faire vider un lac mille lieues de long sur mille pieds de creux, dans ta journée. Pour ça, il t'offrira une chaudière neuve ou un panier tout percé. Prends le panier percé! Il te fera ensuite construire sur ce lac un pont de mille lieues de long, dans ta journée." Elle ajoute: "A'ct'heure, tu vas coucher ici; et, demain matin, tu iras cogner à la porte du château de Bon-évêque.”

7

Il cogne à la porte, le lendemain matin, pan, pan, pan! "C'qu'il y a là?" "Je suis Beau-prince." "Rentrez, monsieur Beauprince!"

Quand le soir arrive, Bon-évêque l'envoie coucher à la cave, sur les patates. C[e n]'était pas bien drôle pour un prince, de coucher sur un tas de patates, lui qui avait toujours eu un bon lit.

Le lendemain matin, il y avait un gros madrier sur la trappe, pour empêcher Beau-prince de sortir. Mais Beau-prince l'envoie revoler mille pieds en l'air. Bon-évêque dit: "T'es ben malin, Beau-prince. Tu sors ben rudement de la cave!... Aujourd'hui, je vas te donner une bonne journée à faire. Tu auras à faire, dans ta journée, un bâtiment couvert en plumes pour y marcher jusqu'à la cheville du pied. Quelle hache prends-tu, la vieille ou la neuve?" - "Je prends la vieille." "T'es pas trop bête, Beau-prince."

1 Elle ne trouve pas sa jarretière.

2 Il y a quelques instants.

Comme toujours, Fournier disait: "C'est-i toi.....”

Beau-prince était évidemment rendu à cent lieues au-delà du soleil, comme il le

désirait.

"Pour "patates" ou "pommes de terre."

• Couvert d'assez de plumes pour qu'il y en ait jusqu'à la cheville de son pied. "De profondeur.

« PředchozíPokračovat »