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ment de bœuf, tous les aigles se battent pour avoir de la viande; mais il y en a la moitié qui n'en eurent point.

1

des fré

Ti-Jean et son bâtiment marchent encore un mois. Il y avait loin à aller pour trouver le vieux magicien! Un bon matin, c'qu'ils voient? Encore un tapon noir. C'que c'était? Le roi milles. "Ah, roi des frémilles, il dit, arrête donc un peu! Si je te donnais ce bâtiment chargé de riz, me laisserais-tu passer, 'aller et revenir?"" Le roi des frémilles dit: "Je te laisserai passer, 'aller et revenir;' et si tu viens à avoir besoin de moi, tu n'auras qu'à dire 'Roi des frémilles!' et je serai à toi." Toutes les frémilles s'abattent sur le bâtiment de riz, et prennent chacune un brin de riz. Mais il y a tant de frémilles qu'elles se battent pour savoir qui aura le riz. Et il y en a la moitié qui n'en eurent point.

Toujours que, à la fin, ils arrivent au pays du magicien, et ils accostent à un vieux quai. Ti-Jean part et s'en va chez le voisin du vieux magicien qui garde la princesse, et il fait demander à la princesse de venir le trouver. En arrivant, la princesse demande: "Tu es venu me chercher? Le magicien, lui, ne voudra pas me laisser partir. Il va commencer par te faire enlever la montagne de terre devant son château; il te fera ensuite transporter la montagne de pierre qui se trouve en arrière de son château. Après ça, il te demandera de lui remettre la vue comme à l'âge de quinze ans." Ti-Jean dit: "Que faire ?" Elle répond: "Invite-le à aller voir ton bâtiment; et nous trouverons un moyen de nous sauver, sans qu'il puisse nous rejoindre." Ti-Jean, le lendemain matin, s'en va voir le vieux magicien: "Bonjour, vieux magicien!" - "Bonjour! qu'est-ce que tu viens faire ici ?" "Je viens chercher la princesse."-"Tu as bien des choses à faire avant d'emmener la belle princesse. Il faut que tu ôtes la montagne de terre de devant mon château." Ti-Jean se retourne et dit: "Roi des frémilles, à moi!" Voilà toutes les frémilles qui viennent, et prennent chacune un brin 2 de sable. Il y a tant de frémilles qu'elles se battent à qui aurait du sable; et la moitié n'en eurent point. S'approchant du magicien, Ti-Jean dit: "Votre montagne de terre est partie, vieux magicien. Je peux-t-i3 emmener la belle princesse ?" Le magicien répond: "Tu as encore bien de quoi à faire avant de l'emmener. Il faut que tu ôtes ma montagne de pierre, en arrière du château." Se retournant, Ti-Jean dit: "Roi des aigles, à moi!" Tous les aigles arrivent, prennent chacun une roche. Il y a tant d'aigles que la moitié [d'entre eux] n'ont point de roche, et se battent à qui 4 Voilà la montagne qui disparaît. Ti-Jean dit: "Vieux ma

en aura.

1 Pour "fourmis."

2 Grain.

Pour "peut-il," la forme interrogative de la troisième personne du singulier passe ici à la première en y ajoutant le pronom "je."

4 Fournier dit "se battent à qui-c'qui en aurait."

gicien, je peux-t-i emmener la belle princesse, d'ct'heure? Votre montagne de pierre est partie." Le magicien répond: "Il faut d'abord que tu me remettes la vue comme à l'âge de quinze ans." Ti-Jean trouve un petit pot de graisse1 dans son armoire, frotte les yeux du magicien, qui voit clair comme à l'âge de quinze ans. "A'ct'heure, vieux magicien, je pourrais-t-i emmener la princesse ?" Il répond: "Non, la princesse est trop belle pour que je te la donne, d'ct'heure que je vois clair comme à l'âge de quinze ans."-"Si vous ne voulez pas me la laisser emmener, gardez-la! Mais venez toujours faire un tour à mon bâtiment." Le vieux magicien s'y rend avec sa princesse. La princesse saute à bord, Ti-Jean ensuite. Pendant qu'on retient le magicien sur le quai, Ti-Jean coupe les cordages. Le bâtiment part; et le magicien reste à terre. Voilà le bâtiment rendu à cinq cents lieues dans le large. Le magicien s'arrache les cheveux de voir la belle princesse partie. Sur la grève 2 il y avait une vieille chaloupe qui n'avait pas servi depuis cent ans. Prend la chaloupe, la coltore, la calfeutre com'i'faut, et part. Le voilà rendu à cinq cents lieues dans le large. Ça marche! Ti-Jean arrive chez le roi des frémilles. "Roi des frémilles, à moi! Si vous le laissez passer, on est fini." "Il ne passera pas ici, le bonhomme!" répond le roi 5 des frémilles. Quand le magicien arrive, il dit à ses frémilles: "Perçons sa chaloupe!" Les voilà qui se mettent à sa chaloupe, percent sa chaloupe. Il faut bien qu'il prenne terre, sa chaloupe faisant eau comme un panier. Une fois à terre, il arrange sa chaloupe, la cheville, la calfeutre, et la coltore. Il envoie encore un élan dans le large, et le voilà rendu à mille lieues. Ti-Jean regarde 'dans' sa longue-vue. Apercevant le magicien qui arrive, il dit: "Roi des aigles, à moi! Si vous le laissez passer, on est fini." Les aigles se jettent sur la chaloupe, et dévorent le bonhomme. Les quartiers revolent sur tous les bords." Ti-Jean dit: "Victoire, la princesse!"

Vers la fin du voyage, Ti-Jean met dans le haut des mâts le pavillon et le portrait de la princesse. Le roi, qui passe son temps à regarder la mer avec sa longue-vue, voit arriver le bâtiment. Remarquant le portrait dans le haut du mât, il dit: "Ah! le petit vacher ramène la princesse." Quand le bâtiment accoste, il est au quai qui attend. Sa princesse débarque et embrasse son père. Le petit prince-le traître va lui tendre la main, mais elle lui donne 'une claque sur 1 A maints endroits, dans les contes de Fournier, le 'petit pot de graisse' sert à délivrer d'une métamorphose.

2 Fournier dit: "Sur le bord de la grève."

Le magicien prend...

'De l'anglais "coal-tar," goudron de houille; ce nom devient verbe, ici.

Pour "nous sommes finis (perdus)."

• Fournier disait: "Sa chaloupe prenait l'eau..."

I.e., les morceaux volent de tous côtés.

la gueule,' en disant: "Tiens, tu mérites ça!" Le roi, lui, ne sait pas ce que ça veut dire. Il lui demande: "Mes petites princesses ont l'air de te haïr 'à plein.' C'que ça veut dire, donc ?" Mais lui s'en va chez le boucher, et dit: "Ti-Jean, le petit vacher du roi, va venir ici. Je veux qu'il soit tué, par parole de roi!"

Le boucher a tué Ti-Jean.

La princesse délivrée sort du château en passant par son châssis et venant trouver le boucher, elle dit: "Boucher! vous avez tué TiJean. Je vas le faire revenir.1 Et si vous pouvez le retuer 2 c'est à moi que vous aurez affaire." Ayant fait un petit sifflet, elle siffle, et voilà Ti-Jean qui se met à grouiller. Elle le lui met dans la bouche. Ti-Jean fait des grimaces, se met à rêver et à gigoter. Le revoilà vivant.

3

En partant de chez le boucher, Ti-Jean achète du bœuf et va en porter à ses matelots pour qu'ils en mangent. "Mais, Ti-Jean, disent les matelots, tu as été bien longtemps à ton voyage! Qu'est-ce qui t'est arrivé?" Il répond: "J'ai attendu après le boucher qui n'avait pas de bœuf de tué."

Partant de de'là, Ti-Jean s'en va chez le roi. Il entre au château, et dit au roi: "A votre grand fricot, à soir, je 'prétends' que toutes les portes et les châssis soient fermés. J'ai une grande histoire à vous conter. Mais faites d'abord conter celle de votre petit prince, pour voir si elle a l'air à avoir de 'l'allure.' "' 7

8

Le soir, à son fricot, le roi fait condamner les portes et les châssis, et il dit à son petit garçon: "Conte-nous donc ton histoire!" - "Sire le roi, c'est moi que vous avez baptisé dans les bois, il y a sept ans, et vous m'avez appelé Ti-Jean." Se retournant vers le petit vacher, le roi dit: "Et toi, mon petit vacher, conte-nous donc ton histoire." "Sire le roi, mon histoire va être plus longue à conter. C'est moi que vous avez baptisé dans un bois, près de vos parterres, il y a sept ans; et vous m'avez appelé Ti-Jean. En voyant ma mère aveugle, dans sa casane, vous lui avez demandé si j'avais été baptisé. Ma mère répondit: 'Non!' et vous avez dit: 'Je vas le baptiser; et au bout de sept ans vous me l'enverrez.' Quand je venais à votre château, j'ai rencontré votre petit vacher. Il m'a demandé: 'Où vas-tu?' Je lui ai répondu: 'Je m'en vas chez le roi qui m'a baptisé, dans un bois, il y a sept ans.' Mais le petit vacher m'a pris mes habits en me donnant les siens. Il m'a dit: 'Si tu me déclares, je te tue.' Et sur l'alu1 Revenir à la vie.

2 I.e., s'il vous arrive de le tuer encore.

* Le conteur faisait ici des gestes comiques. Souper de gala.

• Je désire que...

5 Ce soir.

7 Du bon sens.

Ici le conteur emploie inconsciemment le chiffre mystique "sept," sans remarquer qu'il a dû se passer des années depuis que l'enfant s'est présenté au roi.

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"Ah,

melle d'un couteau il m'a fait faire serment de ne rien dire." mon Gieu!1 que j'ai mal ‘dans le' ventre! dit le petit vacher. Je voudrais sortir."2 Le roi dit: "Parole de roi! personne n'ira dehors icite, à soir. Tu vas passer3 ton mal de ventre ici, dans le château." Et se retournant vers Ti-Jean, il dit: "C'est donc toi que j'ai baptisé dans un bois, il y a sept ans?"-"Oui, sire le roi, c'est moi." Le roi demande: "Qu'est-ce que tu lui ordonnes, au petit vacher?" - “Je lui ordonne d'être écartelé par quatre chevaux" - Il était aussi pire que les Allemands, ce petit gueux! On fait écarteler le petit vacher par quatre chevaux.

4

Comme Ti-Jean avait bien gagné la princesse en la délivrant, au château du vieux magicien, il l'a épousée. Le roi lui a donné son château et son royaume, en disant: "Voilà ce qui te revient."

C'est tout. Et moi, ils m'ont renvoyé ici vous le raconter.

52. LA SIRÈNE. 6

Une fois, c'était un homme et une femme, et leur petit garçon, Georges.

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Cet homme, un habitant du long d'un fleuve, avait une goëlette dont il se servait par escousses pour charrier les effets des marchands de la place. Sa femme lui disait souvent: "Mais, abandonne donc ces voyages-là!"-"Ma pauvre femme, répondait-il, tu vois toujours ben que si j'abandonne de voyager avec ma goëlette, nous allons crever de faim. Je voyage, et on n'a pas encore assez d'argent pour rencontrer nos affaires. On serait bien certain de manger notre terre en deux ans, si on n'avait rien autre chose pour vivre."

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L'habitant, un bon jour, part pour la ville avec sa goëlette remplie des plus beaux poissons qu'on ait jamais vus. Il vend sa charge de poisson, et revient chez lui avec sept cent piastres. Donne l'argent à sa femme. Au bout de quinze jours, tout l'argent est dépensé. Il dit: "Mais, ma pauvre femme, je ne peux pas m'imaginer ce que tu as fait de tout cet argent." "Ah bien! elle répond, il me faut suivre la mode comme les autres" - la mode était aux grandes plumes sur les chapeaux, et aux robes à cinq ou six étages! Le mari répond: "Tu serais bien mieux de n'avoir qu'une plume à ton chapeau et qu'un Le petit vacher cherche, par une feinte, à s'évader.

1 Dieu.

3 Dans le sens de "guérir."

Dans le sens de "à quoi condamnes-tu..."

Fournier disait écartiller.

• Conte récité en juillet, 1915, à Sainte-Anne, Kamouraska, par Narcisse Thiboutot, qui l'apprit de son oncle, feu Charles Francœur, de qui il ne l'entendit réciter peutêtre qu'une fois.

7 Vivant au bord d'un fleuve.

De l'endroit, du village.

8 A intervalles.

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Anglicisme

étage à ta robe." - "Ah! plutôt que de t'amuser icite à l'histoire des modes, tu ferais bien mieux d'aller à la pêche encore une fois."

Il repart donc avec sa goëlette pour la pêche. Rendu à l'endroit où il avait pris tous ses beaux poissons, voilà une tempête qui s'élève. Il ne sait pas s'il doit périr ou résister à la tempête. Plus la tempête approche, plus la mer est grosse, et plus sa goëlette veut verser. Tout à coup, c'qui sort de l'eau? Une serène.1 "Tu as eu peur, elle dit, hein?" — "Oui! j'ai eu peur."—"Tu es venu pêcher ici, l'autre fois, et tu as pris toutes sortes de beaux poissons. Mais, cette fois-ci ta charge de poisson va te coûter cher; ou bien, tu vas périr." "Que faut-il que je te donne pour ma charge de poisson?" "Il faut que tu me donnes ton fils Georges, à ton prochain voyage. Si tu ne le fais pas, tu es bien certain de périr." L'homme reste un moment songeur, pensant en lui-même: "Pour avoir ma charge de beaux poissons, je vas le lui promettre, mais je ne reviendrai plus ici, jamais." Il promet donc à la sirène de lui emmener son fils, à son prochain voyage. La sirène dit: "Jette ton filet à l'eau, et tu vas hâler les plus beaux poissons qui se soient jamais pris." Quand sa goëlette est bien remplie, elle ajoute: "Prends bien garde à toi de m'oublier!" - "Crains pas! la sirène, je ne t'oublierai pas, certain."

Il s'en va à la ville vendre son poisson. En ville, qu'est-ce qui vient le trouver? Le roi de la place. Le roi lui demande: "Comment veux-tu pour ta charge de poisson?" - "Ma charge de poisson n'est pas à vendre si je ne vends pas ma goëlette avec." Le roi dit: "Je veux ben acheter le poisson, mais pas la goëlette."—"Si tu ne veux pas acheter ma goëlette, donne-moi mille piastres pour ma charge de poisson." Le roi lui paye mille piastres. Le pêcheur prend sa course vers chez eux. Comme il arrive, sa femme lui demande: "As-tu fait un bon voyage ?" - "Oui, mais pour en faire un autre, ça me coûtera cher." "Comment, pour en faire un autre, ça te coûtera cher ?" Il ne veut pas, d'abord, lui raconter l'histoire; mais il finit par dire: "Si je retourne à la pêche, je serai obligé d'emmener avec moi Georges, mon petit garçon, qui a l'âge de sept ans; et tu ne le reverras plus, jamais."

Au bout d'une couple de mois, tout l'argent est dépensé. La femme se met encore après son mari: "Va donc faire une autre pêche!" A la fin, il se décide de partir. En appareillant sa goëlette, il songe toujours à ce que la sirène lui a dit. Il pense: "Si je n'emmène pas mon petit garçon, c'est certain que je vas périr." Il retourne à la maison et dit à l'enfant: "Viens donc à la goëlette avec moi." Se doutant de l'affaire, la femme les suit à bord, fait entrer le petit garçon dans la chambre, et pendant que son mari détache les cordages, le fait débarquer en cachette.

1 Thiboutot prononçait "serène," ce qui vient sans doute de "sirène."

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