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En présentant l'eau d'enmiance à la princesse, Thomas-bon-chasseur dit au roi: "Y a-t-il moyen d'ct'heure que j'épouse votre princesse ?” - "Non, il n'y a pas encore moyen. Par exemple, je n'ai plus qu'une chose à te demander: c'est de faire bouillir du plomb et de l'étain ensemble. 'Depuis ce temps,'1 j'en ai tant entendu parler! Mais jamais je ne l'ai vu faire."

Pendant que, rien de plus pressé, le roi fait grèyer un feu, mettre un chaudron rempli d'étain et de plomb dessus, la princesse et Thomas-bon-chasseur montent chacun à leur chambre. La princesse se lave d'un bout à l'autre dans l'eau d'enmiance, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus la grosseur d'une tête d'épingle. Thomas-bonchasseur, dans sa chambre, en fait autant. Tous deux ils viennent se promener autour du chaudron en attendant que bouillent le plomb et l'étain. Quand les bouillons commencent à crever, la princesse se laisse tomber dans le chaudron. Le roi s'approche et lui tend la main. Mais elle le hâle dans le chaudron; et, dans 'un rien de temps,' le roi est fondu. Comme elle tend la main à Thomas-bon-chasseur, il se laisse tomber dans le chaudron, où tous deux ils plongent comme des canards. Voilà à quoi servait l'eau d'enmiance.

En sortant du chaudron, Thomas-bon-chasseur demande à la princesse: "Je peux-t'i vous épouser au lieu du roi ?"-"Oui, le roi est fondu!" On fait donc des noces, et pendant trois jours Thomas-bonchasseur s'amuse sans penser à la petite jument qui lui a rendu tant de services. Le troisième jour, il dit: "Il faut que j'aille voir à ma petite jument, qui m'a tant rendu service." Va voir. C'qu'il trouve? Sa petite jument couchée sur le côté, mourante. "Ah, ah! Thomasbon-chasseur, je ne pensais pas que tu m'oublierais de même, moi qui t'ai tant rendu service." "Ah, pauvre petite jument, que me faut-il faire?"-"A'ct'heure, prends le vieux sabre avec quoi tu as tranché la tête du lion, et coupe-moi le cou; c'est tout ce que tu as à faire." "Ah non, ma pauvre petite bête! je ne suis pas pour le faire; tu m'as trop rendu service." "Thomas-bon-chasseur, fais ce que je te dis, si tu veux être heureux dans le monde. Te souvienstu de la belle chevelure d'or que tu as trouvée, un jour, sur ton chemin? Eh bien! tranche-moi la tête. Si tu ne le fais pas, ma vie est au boute." Thomas-bon-chasseur ramasse le vieux sabre et, en détournant la tête, tranche le cou de la petite jument. Il part sans regarder, mais encore curieux, avant de sortir, il jette un regard. C'qu'il aperçoit? Une princesse encore plus belle que celle qu'il épouse justement. "Quoi faire, d'ct'heure?" se demande-t-il. Comme

1 Depuis si longtemps...

Pelletier disait: "... se graisse d'un bout à l'autre de l'eau d'lenmiance."

Cette phrase indique que le roi lui-même était le rival de Thomas-bon-chasseur. Ce passage semble impliquer que la petite jument elle-même est la princesse aux cheveux d'or; ce qui n'est, toutefois, pas probable, à en juger par le contexte.

1

il hésite, voilà une autre princesse qui ressoud de la montagne vitreuse, avec un petit garçon. "Voyons, Seigneur! j'en ai trois au lieu d'une, d'ct'heure. Me voilà bien en peine! Je voudrais bien en passer une couple à un autre." La princesse qui avait été la petite jument dit: "Tu n'en as délivré qu'une, et c'est moi qui ai délivré les deux autres. Vivons tous les quatre ensemble au château, et tâchons de nous accorder. Toi, Thomas-bon-chasseur, tu es devenu roi et maître ici, à la place de celui qui a péri dans le chaudron de plomb et d'étain fondu." 2

55. LE MÉDAILLON. 3

C'est bon de vous dire qu'une fois il y avait une veuve et son petit garçon.

La veuve travaillait chez le roi pour gagner sa vie, vu qu'elle était pauvre à plein.' Le garçon étant devenu joliment grand et capable de travailler, le roi dit: "La mère! amenez donc votre petit garçon ici, avec vous." Elle demande: "Pour quoi faire?". "Ça lui apprendra à travailler, et ça vous sauvera de le faire vivre." La veuve emmène donc son garçon chez le roi avec elle. Donnant une brouette et une pelle au garçon, le roi lui fait sarcler les allées de son jardin. Chaque jour, à midi, il vient lui donner une beurrée, et, le soir, il lui paie un sou. Mon garçon aime ça, rien de mieux; rien de plus beau! Le voilà homme fait, et sa mère vieille. Un jour, il dit à sa mère: "Vous êtes assez vieille, et je suis capable de gagner votre vie et la mienne.” — “Pauvre enfant! je pourrais bien encore t'aider.” — "P'en'toute! vous avez assez travaillé, dans votre vie." Pendant bien des années, il travaille chez le roi.

Un soir, il dit à sa mère: "Depuis le temps que' je travaille chez le roi, je devrais avoir gagné quelque chose." La mère dit: "Va donc le voir." La journée faite, il demande au roi de tirer les comptes pour savoir ce qui en est. Le roi regarde dans son livre, compte, compte et compte. A son serviteur il revient quatre sous. Le serviteur dit à sa mère: "Ça n'est pas assez; je m'en vas ailleurs." - "Prends garde! répond sa mère; notre ville est si pauvre qu'il n'y a pas de gages." "Il faut que je voie; j'avais gagné plus que ça, chez le roi."

1 Il s'agit ici de la princesse qu'il a 'embrassée' au château où se trouvait la fontaine d'enmiance.

2 On néglige assez curieusement ici de reparler du roi fait prisonnier et dont Thomasbon-chasseur n'était que le valet. Ces inconséquences sont d'ailleurs fréquentes dans les contes populaires.

3 Récité par Paul Patry, à Saint-Victor, Beauce, en août 1914.

Ici prononcée barouette.

Pour pas en tout, i.e., "pas du tout."

Dans le sens de "il y a si longtemps que..."

Il marche toute la journée, le lendemain, cherchant partout; mais il ne trouve pas un pouce d'ouvrage. "Je te le disais bien, répète sa mère; il n'y a ici rien à gagner." Repart le lendemain, et remarche toute la journée, mais pour rien. Comme il n'a pas d'avances1 et comme il faut toujours manger, il retourne chez le roi, et dit: "Il n'y a Le roi répond: pas de quoi! 2 il faut bien que je gagne quelque chose." "Ça me fait bien de la peine, mais j'en ai pris un autre à ta place.' Il cherche encore de l'ouvrage pendant une journée, et il ne lui reste rien à manger. Retourne encore chez le roi: "Il me faut de quoi gagner, 'sans cérémonie;' nous n'avons plus rien à manger." Le roi dit: "Je n'ai qu'une chose à t'offrir; si tu refuses, c'est la fin."-"Qu'est-ce "Un de mes bâtiments part pour un long voyage sur que c'est ?". mer; veux-tu t'engager cuisinier ?" I accepte et va dire à sa mère: "Le roi m'a engagé!"-"Tant mieux! ça nous sauvera toujours de la Le roi mort." S'en allant trouver le roi: "Qui fera vivre ma mère ?" répond: "Je la ferai vivre com'i'faut." En le voyant partir, la mère dit: "Bon voyage, pauvre enfant!"

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Le bâtiment part avec le jeune homme, et disparaît sur la mer. Après plusieurs années de voyages, les marins 's'écartent' sur la mer. Affamés, ils ne savent plus où aller. Ils tirent à la courte paille pour savoir qui d'entre eux se fera manger. Le sort tombe sur le cuisinier, qui va être tué et mangé. Une idée lui vient le danger donne des idées! Demande au capitaine de le laisser monter dans le plus haut mât pour voir s'il ne trouverait pas une terrasse quelque part. Le capitaine consent. Mon gars monte dans le plus haut mât, et il regarde partout avec la longue-vue. "Je vois de l'atterrage!" Le bâtiment s'en va frapper là, tout dret. Ce n'est qu'une île. Comme ils y descendent tous pour chercher de quoi manger, des fruitages, mon petit jeune homme est bien découragé. Sans chercher à manger, il marche sur l'île. Il arrive devant une porte ouverte, dans un rocher; entre, et aperçoit un vieillard aux cheveux blancs comme la neige, assis dans un fauteuil. Sur une table devant lui se trouve un médaillon.5 "Bonhomme, tu dors, et tu n'as pas besoin de ce médaillon." Il prend le médaillon, le met dans sa poche, et il sort.

Pendant ce temps, dans un siffle, l'ile devient garnie de serpents. Effrayés, les matelots se sauvent à bord de leur bâtiment, qui prend le large. Trouvant le bâtiment parti, le jeune homme pense: "Je suis pour mourir; mais ils ne me tueront toujours pas." Il ouvre son mé1 I.e., d'économies.

2 Patry dit: "Il n'y a pas de galagne!"

* Moquerie dont le sens est "à tout prix."

• Se perdent.

Patry dit "une montre;" mais, d'après son explication, il s'agissait plutôt d'un médaillon.

• I.e., dans un instant.

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daillon, et il y aperçoit un portrait. "Jeune homme, que désires-tu ?" demande le portrait. "Je désire être sur le pont de mon bâtiment." Aussitôt, il s'y trouve transporté. Les matelots disent: "On te cherchait, et te voilà!"-"Ah! dit le capitaine, tu te cachais?" De nouveau, ils se préparent à le manger. Mais il dit: "Mon capitaine, il y a longtemps que je ne suis pas allé à l'église pour me confesser. Permettez-moi donc d'entrer dans ma chambre et de faire un acte de contrition." "Oui," répond le capitaine. "Mes matelots, dit-il en se retournant, frappez-le sans qu'il en ait connaissance et pour qu'il meure de suite." En répondant "Oui," ils se placent à chaque côté de la porte. Le petit jeune homme, lui, se jette à genoux dans sa chambre et fait un acte de contrition. Puis il ouvre sa montre. "Que désires-tu?" demande le portrait. "Je désire qu'il y ait ici une table bien garnie de boire et de manger pour tout l'équipage, sans rien manquer.' Tout de suite il y a une table bien garnie pour tout l'équipage, sur le pont du bâtiment. Après avoir bien mangé avec les autres, il ouvre encore sa montre: "Jeune homme, qu'est-ce que tu désires ?" - "Je me désire chez mon roi, au port de mer d'où je suis parti sur le bâtiment. Et d'un crac2 le bâtiment y est transporté. Quand le roi embarque à bord, le capitaine vient lui donner la main. "Comment ç'a été ?" "C'était bien triste, mais nous voilà bons! Vous savez, monsieur le roi, vous pouvez considérer votre cuisinier; comme on avait tiré à la courte paille pour le manger, il s'est mis à genoux pour prier, et il nous a attiré de quoi boire et manger." "Puisque c'est comme ça," dit le roi, qui est bien content, "je vas te donner ma fille à marier.”

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Après le mariage, le roi dit: "Il n'y a rien à gagner, nulle part; restez au château avec moi." "Monsieur le roi, je vas essayer de vivre par moi-même, si c'est possible." A sa femme il dit: "Il faudrait se bâtir3 et avoir un parterre en rond, d'où on verrait le fleuve tout autour, rien de plus beau!" Quand ils arrivent en voiture, au plus beau de la ville, il dit à sa femme: "Ça te plairait-i, ici ?" — "Ça me plairait bien, mais c'est bourré de maisons." Il répond: "Ça [ne] fait rien. Revire-toi." Elle se revire, et il ouvre sa montre. "Jeune homme, que désires-tu ?" — "Je me désire un château ici, tel que le oi n'en a jamais vu, avec son nom et celui de la reine écrits en lettres d'or au-dessus de la porte; je souhaite tout ce qu'il y faut, et toutes sortes de 'beautés.' "'4 Et le château apparaît devant eux. Pendant qu'ils marchent dans l'allée, ils entendent sept sons de musique, ce qu'il y a de plus beau. Jamais on n'a vu de château si merveilleux. - Je n'en ai pas de pareil, moi! Vous? Il y entre avec sa dame, et souhaite à boire et à manger sur une table, dans son salon. Le repas 1 Et qu'il n'y manque rien.

I.e., se construire une maison.

2 En un instant.

• Belles choses.

est servi, rien de mieux. "A'ct'heure, il faut retourner chez mon père." Ils s'en vont chez le roi, à qui ils disent: "Quand vous voudrez venir nous voir, vous ferez le tour de la ville, et vous trouverez votre nom et le nôtre écrits sur notre porte." Le roi répond: “Oui!"

Le lendemain, le roi attelle, s'en va faire un tour dans la ville, et trouve un châteaun redoublant plus beau que le sien..., bien bâti! Il entre. On est bien content de le voir. Son gendre l'amène dans son salon, où se trouve la table la mieux garnie pour boire et pour manger qu'on ait jamais vue.

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Un prince allait depuis longtemps 'voir' 1 la princesse, avant qu'elle se marie. Après un long voyage, il arrive, et demande au roi: “Où est donc la princesse ?" Le roi répond: "Elle est mariée... Et c'est à un cuisinier qui s'est fait bâtir le plus beau château de la ville. C'est bien aisé de trouver ce château: mon nom et le sien sont écrits en grosses lettres d'or au-dessus de la porte." Le prince dit: "M'a toujou ben aller les voir." Et il trouve leur château de suite, comme de raison, pendant que le cuisinier, lui s'adonnait à être dans la ville à jaser un peu. Le prince entre, et il trouve que tout est bien beau, au château. Il demande à la princesse: "T'es ben icite?" "Ah! oui." Elle l'emmène visiter toutes les chambres, partout, en marchant en avant de lui, d'une chambre à l'autre. Quand elle lui montre sa chambre, il aperçoit le médaillon à la tête du lit. Sans qu'elle le voit, il le prend et le met dans sa poche. Ayant tout visité, il lui souhaite le bonsoir et s'en va.

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Rendu dehors, il ouvre le médaillon. Le portrait lui dit: "Jeune homme, qu'est-ce que tu désires ?" "Je me désire au fond de la mer la plus creuse avec le château et la princesse." Le voilà au fond de la mer avec le château et la princesse.

Le cuisinier, dans la ville, s'en revient chez lui. Plus de château, ni femme, ni rien! Vous pensez bien que c'est un homme dévisagé! 2 Il part et s'en va en pleurant chez son beau-père le roi. "Qu'est-ce que t'as?"—"Parlez-m'en pas! mon château et ma femme, tout est parti, et je ne sais pas où c'est." Le roi aussi est bien découragé. Il dit: "Tiens! pauvre enfant, tu es un bien bon garçon!" Il lui donne quatre beaux jeunes chevaux chargés d'or et d'argent, et il dit: "Dépense toute! Il faut que tu trouves ta femme et ton château."

Voilà le gendre du roi parti. Il marche tant qu'à la fin il a bien fait deux fois le tour de la terre, et il a dépensé tout son argent. Il est là, sans un sou, et ses chevaux ruinés, quand un [colporteur3] arrive. Il lui dit: "Veux-tu acheter mes chevaux? Je n'ai plus rien." Le colporteur demande: "Comment-c' tu demandes? J'ai rien que 1 I.e., courtisait.

2 Dans le sens de "profondément étonné et désappointé."
Patry disait pèdleur (de l'anglais "pedler").
'Pour "combien demandes-tu ?"

Pour "Je n'ai rien que.”

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