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cinquante sous dans ma poche. Les veux-tu ?" Il répond: "Oui!" Ayant reçu ses cinquante sous, il part à pied, et marche, marche. Il arrive au bout du chemin, où il n'y a plus qu'un sentier. 2 Au bout du sentier se trouve une maison. Rentre dans la maison, et y voit des gens pas riches, qui n'ont rien que du 'pain de caribou' (pain d'orge). C'est encore pareil! Paye son pain cinquante sous, le met sous son bras, part et marche. Il prend le petit sentier dans le bois, en pensant: "Il faut toujours bien que je périsse!" Bien loin, dans un bois épouvantable, il arrive dans une petite aire qu'il y a. C'qu'il trouve, Il entre. là? Un petit château couvert de paille et de joncs de mer. Un vieillard aux cheveux blancs comme de la neige y est assis. "Cher jeune homme, d'où venez-vous? Voilà mille ans que je suis ici, et vous êtes le premier homme que je vois."—"Ah, il répond, mon 'vieux vieillard!' J'avais un beau château et ma femme. Tout a disparu, et je ne sais pas où c'est. J'ai dépensé à les chercher la charge d'or et d'argent de quatre chevaux, et je ne les ai pas encore trouvés." Le vieillard dit: "Restez ici pour la nuit. C'est moi qui suis le maître de tous les oiseaux qui vivent sur la terre. S'ils peuvent le voir, je saurai demain matin où est votre château." De manière que le jeune homme y couche. Le lendemain matin, le père sort à la porte, appelle toutes sortes d'espèces' d'oiseaux, et il leur demande s'ils ont vu quelque part un château tel qu'il leur dépeint. Les oiseaux, en Pas un ne l'a vu. Il ne arrivant, disent: "Nous ne l'avons pas vu." manque plus qu'un vieux corbeau - ça faisait plus de mille ans qu'il roulait, ce corbeau-là. Le vieillard dit: "Si le corbeau ne l'a pas vu, pas un autre ne l'a pas vu, pas un autre ne l'a vu, parce que ça fait sept ou huit fois qu'il fait le tour de la terre." Voilà le vieux corbeau qui arrive. "Mon corbeau! demande le vieillard, as-tu vu tel château, de telle manière?" Le corbeau répond: "Non!" - "Il n'est pas sur la terre, ton château, dit le maître des oiseaux. A'ct'heure, je ne vois pas d'autre chose 5... Vous irez trouver une de mes sœurs, qui reste de l'autre bord de la grand'mer bleue." Il dit à son corbeau: "Tu vas aller mener cet homme-là chez ma sœur." Il lui donne à manger com'i'faut. Au garçon il dit: "Apportez dans vos poches quelques morceaux de ce caribou que j'ai tué; parce qu'il criera, quand la faim le prendra." A peine monté sur le dos du corbeau voilà mon jeune homme parti. Il le claque; et l'oiseau vole, et puis vole. Quand il a fait un bon boute, il se retourne, et ptâ. ... ptâ! Le jeune homme

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3 Pour "le vieillard."

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4 Patry dit ronnait (anglicisme) de "run." "Rouler" est un synonyme souvent usité ici.

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lui jette un morceau de viande dans la gueule, et il claque! La mer bleue avait mille lieues de traverse. 2 L'oiseau vole encore pas mal loin, et ptâ, ptâ! Il lui faut encore un autre morceau de viande.

Vers le soir, ils arrivent de l'autre côté de la mer bleue, près d'un petit château, au bord de la mer, pauvre, couvert en jonc, et avec une petite porte. Le [voyageur] entre, et il y trouve une vieille femme habillée rien qu'avec ses grands cheveux blancs comme la neige. "Cher ami, dit-elle, comment ça se fait que vous êtes venu jusqu'ici? Il y a deux mille ans que je suis ici, vous êtes le premier homme que je vois. Dites-moi donc ce que vous cherchez ?" Il répond: "Ma vieille mère, je cherche mon château et ma femme."-"Vous allez rester jusqu'à demain matin. C'est moi qui suis la maîtresse de tous les poissons de la mer." Le lendemain matin, la vieille s'en va au bord de la mer, et elle fesse dans l'eau. A toutes espèces de poissons qui viennent à elle, elle demande: "Avez-vous vu tel château?" Aux autres poissons qui arrivent elle répète: "Avez-vous vu tel château?" Mais personne ne l'a vu. Tout à coup arrive une vieille rate d'eau, qui dit: "Je l'ai trouvé, moi; j'achève d'y percer une planche, pour arriver à une 'tinette' de confitures." La bonne-femme lui demande: "Pourrais-tu avoir le médaillon que le prince cache si bien ?" La rate dit: "Oui, je cré que je peux y aller; mais c'est loin, au fond de la mer la plus creuse. Demain matin, je serai peut-être revenue." La vieille rate part, marche, marche, et arrive au château, au fond de la mer la plus creuse, pendant que le prince et la princesse dorment, tous les deux. Cherchant partout dans leur chambre, la rate finit par trouver le médaillon à la tête du lit. Elle le prend, et se sauve avec, en passant par le trou par où elle est entrée.

Le lendemain matin, comme de fait, la rate ressoud avec le médaillon. La vieille dit au jeune homme: "Tiens! voilà votre médaillon." Content, je vous garantis qu'il l'est! "Bonne vieille! il dit, que désirezvous pour votre récompense?" - "Pauvre enfant! ça fait si longtemps que je suis ici seule avec les poissons... Souhaite-moi morte et dans le paradis." Le jeune homme ouvre son médaillon, qui lui dit: "Que veux-tu ?" Il répond: "Je souhaite la vieille fée morte et dans le paradis." La voilà morte et partie. Quand il l'ouvre encore, le médaillon dit: "Qu'est-ce que tu désires ?" — "Je me désire rendu au petit château du 'vieux vieillard' d'où je suis parti." Le voyant arriver, le vieillard dit: "Bonjour, bonjour! as-tu réussi ?" — "Ah! il dit, oui! Bon vieux, que désirez-vous pour la chance que vous m'avez donnée ?" - "Pauvre enfant! il y a bien longtemps que je suis seul ici, à pâtir. Souhaite-moi quelque chose à boire et à manger, 2 I.e., de largeur.

1 Pour "bec."

Patry ici ajouta: "Dans le temps passé, les fées ne s'habillaient qu'avec leurs cheveux.

et une belle bouteille de brandy." A peine ces choses sont-elles souhaitées qu'elles arrivent. Tout y est, tout ce qu'il faut au vieillard pour boire et manger tant qu'il restera là, et une belle bouteille de brandy. -Je n'ai pas eu la chance de passer par là, parce que j'y aurais pris un coup!

De là, le jeune homme part et marche, marche. Quand il a fait un bon bout, il ouvre son médaillon. "Jeune homme, qu'est-ce que tu désires?" "Je me désire rendu au château de mon beau-père, le roi." Et le voilà rendu au château du roi. On le trouve bien changé! Ça fait longtemps qu'il est parti, bien des années. Le roi lui demande: "Bien, as-tu pu trouver ta femme?" Il répond: "Oui! vous allez venir avec moi, vous et la reine." Et tous trois ils partent pour la place où était son château avant de disparaître. Là, le jeune homme prend son médaillon et l'ouvre. "Qu'est-ce que tu désires?" Le gendre du roi répond: "Je désire mon château ici, tel qu'il était." Voilà le château revenu, avec sa femme et le gars (qui lui a joué ce tour). Le roi dit: "A'ct'heure, quelle justice veux-tu lui faire, 1 à ce gars-là, qui est parti de même avec ta femme?" Le jeune homme répond: "Je lui souhaite une musique pour qu'il coure les chemins tout le reste de sa vie, en tournant la manivelle."

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Quant à lui, il est bien content de retrouver sa femme et de vivre avec elle, jusqu'à la fin de ses jours. Son médaillon, il ne l'a plus laissé traîner, je vous en donne ma parole!

Je ne sais pas ce qui leur est arrivé depuis ce temps. Ils sont peut-être encore là, badame! Mais je n'y suis pas allé depuis; et ça fait bien des années. Vous savez, c'est un peu plus vieux que moi!

56. LE CHÂTEAU ROND DE LA MER ROUGE.4

Une fois, il est bon de vous dire, c'était un roi, sa femme et leur enfant, un petit garçon.

Le roi dit, un jour, à sa femme: "Je vas au'ourd'hui visiter mes parterres, dans ma forêt. Viens-tu avec moi?" - "Oui, allons-y en voiture!"

Le long du chemin, dans la forêt, c'qu'ils voient à terre? Une petite serviette blanche. Le roi dit à la reine: "Je débarque pour la ramasser." - "Mon mari! ne touche pas à cette serviette. Il ne faut

1 I.e., quel châtiment lui infliges-tu.

2 I.e., orgue de Barbarie.

3 Exclamation dont le sens vague se rapproche ici de "qui sait!" Recueilli en juillet, 1915, à Sainte-Anne, Kamouraska, d'Achille Fournier. Ce conte vient d'un Canadien de la rive nord du fleuve Saint-Laurent, à qui Fournier l'entendit réciter, il y a plus de cinq ans. Ici le conteur ajouta: "Si j'avais cru devoir vous donner ces contes par écrit, j'en aurais bien appris deux mille Rien ne m'était plus facile, et j'en ai tant entendu conter!"

pas ramasser ce qu'on trouve dans le chemin."-"Bien! si la serviette est encore là quand nous repasserons, je la ramasserai."

En s'en revenant, le roi voit la serviette à la même place, le long du chemin. Il débarque de sa voiture et la ramasse. Qu'est-ce qui sort de sous la serviette? Une vieille fée galeuse. "Tiens! dit la fée, je viens d'arracher les deux yeux à ta femme, que tu vas chasser pour toujours dans la forêt, pour m'épouser à sa place." En pleurant à tue-tête la reine part avec son petit garçon dans la forêt, pour ne plus jamais remettre les pieds au château du roi, qui est bien forcé d'épouser la sorcière.

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Une fois son enfant devenu grandette, la femme aveugle l'envoie au château du roi. En rencontrant le roi, le garçon dit: "Bonjour! je viens vous trouver, poupa."-"Mon petit garçon! tu vas rester avec nous, d'ct'heure. Tu m'as l'air pas mal fin." La belle-mère le regarde de travers, sans rien dire.

Quelques jours après, la femme dit au roi: "Ton petit gars passe son temps à se vanter. Il a dit qu'il était capable d'aller chercher le château au fond de la mer Rouge, à cent mille brasses d'eau." Le roi dit: "Mon garçon! tu t'es vanté [de pouvoir] aller chercher le château de la mer Rouge, à cent mille brasses d'eau? Tu vas y aller!"

"Poupa! je ne m'en suis pas vanté. Mais j'irai ben, s'il faut y aller." Et il part avec un petit sac de provisions sur son dos, le pauvre petit gars!

Le voilà qui arrive à une petite cabane de branches, dans les bois. Pan, pan, pan! à la porte. "Entrez!" C'est une grande fée effrayante, à qui le feu sort par la bouche, qui ouvre la porte. "Mon petit gars, tu as l'air à avoir peur de moi?"—"Oui, j'ai pas mal peur." — "Où c'que tu vas donc, mon petit garçon ?"-"Je m'en vas chercher le château rond, à cent mille brasses d'eau, dans la mer Rouge. Etesvous capable de me dire où il est, vous?" Elle répond: "Non, je ne suis pas capable de te le dire. Mais j'ai deux de mes sœurs qui restent plus loin, dans la forêt. Quand tu arriveras chez la première, demande-lui où est l'autre."-"Merci, grand'mère!" Le garçon part, marche encore une journée, et arrive chez la fée, vers le soir. Cette fée est encore plus affreuse que sa sœur, et le feu lui sort long comme le bras de la bouche. Le petit garçon n'ose pas même approcher de sa cabane. "Mon petit gars! elle dit, tu as l'air à avoir peur?" "Oui, grand'mère, j'ai pas mal peur de vous. Vous êtes assez effrayante, avec ce feu qui vous sort de la bouche." "N'aie pas peur! Je ne te ferai pas de mal. Mais dis-moi ce que tu cherches."-"Je cherche le château qui est à mille brasses d'eau, dans la mer Rouge." La fée répond: "Bien! j'ai une de mes sœurs qui reste plus loin, dans la forêt. Vas-y! et elle t'enseignera où est le châ

1 I.e., passablement grande.

teau rond de la mer Rouge." Il repart dans le chemin qu'elle lui enseigne, marche toute la journée et arrive, vers le soir, à une petite cabane de branches. Là vivait la troisième fée, la plus abominable de toutes. "Mon petit gars! tu n'oses pas approcher de ma cabane? Tu as peur?"—"Oui, grand'mère, j'ai pas mal peur." - "Que cherches-tu, ici?"-"Etes-vous capable de m'enseigner où est le château rond, à cent mille brasses d'eau, dans la mer Rouge?" - "C'est ce qu'on va voir! répond la sorcière. Le roi des poissons va venir ici, beto, et je vas lui demander où est le château." La fée va dehors crier: "Roi des poissons, roi des poissons!" Et au roi des poissons qui arrive, elle demande: "Sais-tu où est le château rond, à cent mille brasses d'eau, dans la mer Rouge? L'as-tu jamais vu ?" “Oui, je l'ai vu, répond le roi des poissons; c'est là-bas, tout dret, au tapon2 clair qu'on voit au fond de l'eau." La fée dit au petit garçon: "Tiens! tu vas prendre ma petite chaloupe à deux rames et tu vas te rendre là, tout dret." "Merci, grand'mère!"

Le garçon commence à ramer vers le tapon clair. Le voilà qui arrive droit au château, accoste sa petite chaloupe à ras, et aperçoit trois princesses, au deuxième étage du château. "Mon petit jeune homme! disent-elles, où vas-tu ?"-"Je vas chercher le château rond, à cent mille brasses d'eau, dans la mer Rouge. C'est-i icite?" "Oui, c'est icite." Quand il approche, elles disent: "Bien! mon petit garçon, nous allons t'aider à monter ici." Lui jetant des cordages, elles lui disent: "Attache-toi le pied!" Et, tirant toutes les trois à l'autre bout de la corde, elles le montent à elles, les pieds en l'air et la tête en bas. Rendu en haut, elles lui demandent ensemble toutes les trois: "Voyons! laquelle de nous veux-tu épouser ?" Il y en avait une de quinze ans, une de vingt ans et une de vingt-cinq ans. C'est à celle de quinze ans qu'il se marie.

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Le soir, quand il se couche, c'qu'il voit dans la chambre d'à côté? Trois lumières. Il demande à sa princesse: "Qu'est-ce que ça veut dire, ces trois lumières ?" - "Bien, mon cher petit mari, ça me coûte de te le dire."-"Mais pourquoi donc ?"-"Je vas te le dire; mais prends bien garde de 'me déclarer.' Ces deux lumières, ce sont des ciarges.5 Ils sont la vie de mes sœurs; si tu tuais ces deux lumières, mes sœurs tomberaient raide mortes."-"Et l'autre lumière ?" "C'est la vie de la vieille fée galeuse, qui est mariée au roi. Dans un plat, sur la table, sont les deux yeux qu'elle a arrachés à la princesse du roi. Si tu tuais cette chandelle, la vieille fée galeuse tomberait raide morte."

1 Bientôt.

I.e., tout près.

4 Fournier disait: "..la celle de..." 'Cierges.

2 I.e., une tache, un point.

• Eteignais.

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