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Voilà Petit-Jean roi et maître au château, où les géants le 'portent sur la main.' C'est Petit-Jean par-ci, Petit-Jean par-là, tellement on l'aime!

Avant de partir, le lendemain matin, les géants disent: "Petit-Jean, voici les clefs du château. Tu peux visiter toutes les chambres. Mais prends bien garde à toi d'ouvrir la porte que voilà."-"Craignez pas!" répond Petit-Jean.

Après avoir passé la journée à la chasse, les géants reviennent le soir. "Bonsoir, Petit-Jean!"-"Bonsoir, les géants!" Tout au château est net, propre, reluisant. Les géants sont bien contents de voir l'ouvrage si bien fait.

La deuxième journée, encore pareil. Petit-Jean fait l'ouvrage à perfection, travaille depuis le matin jusqu'au soir, sans ouvrir les portes. Mais il est bien curieux, et ça le tente de tout visiter. En arrivant le soir, les géants demandent: "Comment ç'a été, aujourd'hui, Petit-Jean ?" - "Ben été, comme de coutume.' Les géants se couchent et dorment, sans s'occuper de rien, comme ils s'en rapportent à leur petit garçon.

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Une fois les géants repartis, le lendemain matin, Petit-Jean se dit: "Ils m'ont tant défendu d'ouvrir cette porte qu'il me faut y aller voir, aujourd'hui." Pogne la clef et ouvre la porte. Qu'est-ce qu'il aperçoit? Un dalot dans lequel, jour et nuit, coule de la belle or. Comme il se penche pour se regarder dedans, sa chevelure tombe dans l'or. Quand il la retire, c'est la plus belle chevelure d'or qui se soit jamais vue sur la terre. Voilà Petit-Jean pas mal en peine. "Sacré! ils vont ben s'apercevoir que je suis entré ici. Comment faire?" Il cherche partout et regarde sur les tablettes. A la fin, il trouve du brai, avec quoi il se fait une calotte, pour cacher sa belle chevelure d'or. "Ils vont pourtant s'en apercevoir!" il se dit, bien en peine.

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Quand, le soir, les géants arrivent au château: "Ah! ils disent, ah, petit ver de terre! Tu es allé à la chambre [défendue]; c'est pas mal'isé à voir."-"Ah oui! je me suis trompé; je n'ai pas su me régler." "Petit-Jean, il n'y a pas d'autre moyen que de t'ôter la vie. C'est ce que nous nous sommes promis." Le plus gros des géants dit: "Laissons-lui la vie, à soir. Mais, nous lui ôterons demain matin. Il n'y a toujours pas moyen qu'il sorte d'ici." Aussitôt les géants couchés, sans se faire prier Petit-Jean prend le 'chemin du roi' et file un boute. Arrivé au trou par où il était descendu, il regarde en l'air et, apercevant une étoile, il se dit: "Gageons que c'est par là que les géants passent!" Prend sa canne de souhaite-vertu, et il se souhaite rendu en haut. Le voilà en haut, sur la terre. Là, il prend la forêt, et il marche, marche.

1 I.e., ont pour lui tous les égards possibles.

Terme de marine.

* Malaisé.

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Après avoir marché trois ou quatre jours, il arrive au château d'un roi; entre chez le roi. "Bonjour, monsieur le roi!" - "Bonjour, petit teigneux!"-"Monsieur le roi, avez-vous besoin d'un jeune homme ?”

“Oui, petit teigneux, j'en aurais besoin d'un pour soigner mes volailles et mes dindons." Voilà Petit-Jean engagé chez le roi.

La plus jeune des filles du roi, les trois plus belles princesses du jour, a bien connaissance de quelque chose: tous les soirs, le petit teigneux ôte sa perruque et va se promener dans la forêt, son épée sur l'épaule. La jeune princesse garde ça ben secrète, en se demandant ce qui est pour arriver.

Un matin, toujours, un des jardiniers du roi tombe malade. Comme il n'y a personne pour le remplacer, le roi fait demander le petit teigneux. "Veux-tu être jardinier?" Voilà Petit-Jean devenu jardinier.

Le lendemain matin, le petit teigneux part avec les jardiniers pour le jardin. Mais plutôt que de travailler, il se promène, jase. Comme il n'arrose rien, tout sèche au soleil. Les autres disent: "Il va en avoir, un beau bouquet, à présenter à la princesse, à soir!"

Après avoir bien travaillé, chacun des jardiniers a, le soir, un beau bouquet à présenter à chacune des princesses. Voyant ça, Petit-Jean aussi se casse un bouquet. "Misère! il dit, ça ne fera pas! Il est tout sec." Avec sa petite canne, il se souhaite le plus beau bouquet du jardin. "Comment ça se fait ?" se demandent les jardiniers. Un d'eux dit: "C'est moi qui avais le plus beau bouquet, et le sien était tout sec." Voilà la chicane qui prend entre eux. “J'avais laissé mes plus belles fleurs dans mon jardin, dit un autre. Gageons qu'il les a cassées pour s'en faire un bouquet?" Ils retournent voir au jardin, mais tout est bien là, et rien n'est dérangé. Les jardiniers n'en reviennent pas de voir le petit teigneux donner le plus beau bouquet qu'ils aient jamais vu à la plus jeune princesse.

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C'est encore la même histoire, le lendemain. Petit-Jean s'apporte une chaise au jardin. Bien assis, il se berce, bâille et 'cogne des clous,' au soleil. Les jardiniers se mettent à dire: "Il va en avoir un beau, aujourd'hui! Sur ses plates-bandes tout est sec, tout est mort!"

Le soir venu, Petit-Jean se casse un petit bouquiète, et, avec sa canne, il se souhaite le plus beau bouquet qui se soit jamais vu sur la terre. Son beau bouquet, il le donne encore à la plus jeune des princesses. Celle-ci voit bien que quelque chose ne fait pas, là-dedans; mais elle n'en dit pas un mot. Le petit teigneux, lui, s'en va coucher à son poulailler, tandis que les autres s'en vont à leur belle maison.

Au poulailler, Petit-Jean ôte sa calotte de brai et s'en va se prome

1 I.e., dort en inclinant la tête et la relevant en sursaut, tour à tour.

2 Quelque chose de curieux.

ner dans la cour. L'apercevant, la jeune princesse se dit encore: "Il y a quelque chose qui ne va pas!"

Toujours que, le lendemain, le roi fait battre un ban qu'il donnerait ses filles en mariage à ceux que toucheraient les boules d'or. Et il invite tous les jeunes gens de la 'paroisse' à venir à la fête.

Une fois les 'cavaliers' 1 réunis, on les fait passer par rangs devant les princesses, qui ont chacune une boule d'or à jeter à celui qu'elles désirent comme époux. La plus âgée des princesses jette sa boule d'or; la deuxième jette sa boule; la troisième ne jette pas sa boule. Le roi dit: "Il me semble que j'avais fait battre un ban pour vous publier toutes. Comment se fait-il que, quand les 'cavaliers' passaient en rang, toi, ma [cadette], tu n'as pas jeté ta boule d'or ?" La jeune princesse répond: "Tout le monde n'est pas encore passé. Je n'ai encore vu ni les bossus, ni les teigneux." - "Quoi, ma fille, voulez-vous me faire insulte ?" "Non, mon père."

Le lendemain, on fait passer par rangs tous les jeunes gens de la paroisse, les petits teigneux comme les autres. La jeune princesse jette sa boule d'or au petit teigneux, le jardinier du roi, pour l'épouser. Le mariage se fait; mais le roi est bien insulté de voir sa princesse épouser le petit teigneux, son jardinier. La noce à peine finie, le roi les met tous les deux à la porte, en leur disant de ne plus revenir.

Voyant ça, le petit teigneux s'en va dans la forêt avec sa belle princesse, et ils marchent. Le roi se dit: "Tant mieux, Seigneur, s'ils sont partis! M'avoir fait une insulte de même!" Mais la vieille reine, elle, est bien triste de voir sa fille partie.

Rendu assez loin dans la forêt, le petit teigneux s'aperçoit que sa femme est fatiguée de marcher. Ils s'arrêtent dans une petite éclaircie. La princesse se couche par terre, la tête sur les genoux de son mari, et elle s'endort. Quand elle est bien endormie, le petit teigneux prend sa canne à souhaite-vertu, et il se souhaite le plus beau château au monde, mais auquel il doit manquer un châssis.

Toujours triste, la vieille reine, le lendemain matin, sort de son château. Regardant vers la forêt, elle aperçoit quelque chose qui reluit, rien de plus beau. "Mon vieux! viens donc voir ça," elle crie au roi. "Dis-moi donc ce qu'il peut bien y avoir là? 'Depuis le temps qu'on' reste ici, on n'y a jamais rien vu de pareil."

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Le roi fait atteler une voiture et envoie ses valets voir ce qui reluit comme ça, dans la forêt. C'est le petit teigneux que les valets trouvent dans son château. C'qu'il leur ordonne? venir me voir." Apprenant ça, le roi se dit:

"Allez dire au roi de "Puisque je l'ai chassé

d'ici, c'est bien à moi à aller le voir, le premier." Il est pas mal en

1 Au Canada, ce mot est pris dans le sens de "prétendant."

2 Pour annoncer votre mariage.

Cette locution "depuis le temps que" ici implique qu'une longue période s'est écoulée.

peine de voir que le petit teigneux, pour qui il a été si dur, est riche et possède un château plus beau que le sien. En s'y rendant, il dit: "Je ne peux pas oublier qu'il est mon gendre." Une fois son beaupère arrivé à son château, le petit teigneux lui fait tout visiter. Il n'y a rien de plus beau. Passant devant la fenêtre qui manque, le jeune homme dit: "Il n'y a pas de châssis dans cette fenêtre. C'est à vous d'en mettre une." Le roi fait venir tous ses ouvriers qui se mettent à l'ouvrage et travaillent jour et nuite. Mais il n'y a pas moyen d'arriver! "Vous êtes aussi bien d'abandonner, dit le petit teigneux. Je vois que vous n'y arriverez jamais. Je vas le faire poser, moi."

Quand, le lendemain matin, le roi vient voir, le châssis est bien posé, je vous le garantis! C'en était un poids de moins sur le cœur du roi! Son gendre n'était plus un petit teigneux, mais Petit-Jean, qui avait la plus belle chevelure d'or du monde. Ils sont restés à son château le restant de leurs jours.

Et moi, ils m'ont renvoyé ici vous le raconter.

62. SALADE ET POMMES D'OR. 2

Une fois, c'était un vieux et une vieille, qui avaient une fille et deux petits garçons, Ti-Jean et Ti-Pierre. Le vieux était bûcheron, et il 'bûchait' du bois à la corde.

Quand il commence à dîner au bois, un bon jour, c'qui vient à lui ? Un petit oiseau. "Ah! si je peux pogner ce petit oiseau pour mon Ti-Jean, je serai donc fier. Pogne le petit oiseau et se dit: "Aprèsmidi, je ne ‘bûche' point. Je vas porter l'oiseau à mon petit gars." Ti-Jean est content, c'est pas rien ! L'oiseau que son père a pris est si beau qu'on n'en a encore jamais vu de plus beau. Il chante, il turlute, rien ne bat ce ramage-là. Le bûcheron se dit: "Demain, il faut que j'essaie encore d'en prendre un."

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Le lendemain matin, il retourne 'bûcher,' 'bûche' jusqu'à midi. Quand il commence à dîner, c'qui ressoud? Encore un beau petit oiseau. "Ah! si je peux prendre celui-là, je serai bien fier. Mes petits garçons auront de quoi s'amuser, quand ils en auront chacun un." Prend le petit oiseau, s'en retourne chez lui, et donne l'oiseau

1 L'épisode bien connu de la fenêtre aux pierres précieuses, où le roi épuise tous ses trésors, est ici bien incomplet.

Recueilli à Sainte-Anne, Kamouraska, en juillet, 1915. Le conteur, Achille Fournier, dit avoir appris ce conte d'un mendiant qui l'avait raconté, il y a près de cinquante ans, chez un nomme Godefroy Ouellet, aux Sables (près de Sainte-Anne). C'était la coutume de ces passants, dit Fournier, de 'conter des contes' aux gens qui leur donnaient l'hospitalité pour la nuit.

3 C'est extraordinaire.

"Fournier dit: “...de quoi à s'amuser."

'Anglicisme.

A Ti-Pierre. Les enfants mettent dans de petites cages leurs oiseaux, qui turlutent le ramage le plus beau.

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C'qui arrive, là? Le fils d'un roi, qui examine les petits oiseaux. "Ah, qu'ils turlutent bien!" pense-t-il. En les examinant, il voit écrit sur l'aile d'un des oiseaux: "Celui qui mangera mon cœur aura, tous les matins, sous sa tête, cent écus." Regarde à l'autre oiseau. C'qu'il voit écrit sur son aile? "Celui qui mangera ma tête sera 'reçu' roi." Le fils du roi dit au bûcheron: "Si vous voulez tuer et me faire cuire les deux petits oiseaux tout ronds, j'épouserai votre fille." Le vieux répond: "Je vas en parler à mes petits gars. S'ils veulent, tant mieux! S'ils ne veulent point, je n'en ferai rien." Et il s'en va trouver ses petits garçons et leur dit: "Le fils du roi est prêt à épouser votre sœur si vous voulez laisser cuire vos petits oiseaux tout ronds." Ils répondent: "Il ne faut pas faire perdre un bon parti comme ça à notre sœur. Tuez-les!" Le bûcheron tue les oiseaux et sa bonne-femme les met bouillir dans le chaudron. Pendant qu'ils cuisent, Ti-Jean dit: "Moi, je vas toujou ben manger le cœur de mon petit oiseau." Et Ti-Pierre dit: "Moi, je vas manger la tête du mien." Le fils du roi revient, examine ses oiseaux dans le chaudron, et demande: "Madame, ces petits oiseaux sont-ils tels que je vous les ai demandés? La tête de l'un et le cœur de l'autre sont partis. Si vous voulez que j'épouse votre fille, chassez vos petits garçons pour que jamais je ne les revoie de ma vie." Le père rapporte ces paroles à ses petits garçons. "Oui, papa, nous allons partir pour toujours. Nous marcherons tant que la terre nous portera, et jamais nous ne remettrons les pieds ici."

Ils partent, marchent toute la journée. Le lendemain, ils arrivent à une maison dans la forêt. Entrent dans la maison, et ils y voient un vieux et une vieille. "Bonjour, bon vieux! bonjour, bonne vieille!" "Bonjour, bonjour! Où allez-vous 2 donc, mes petits gars ?" - "Nous sommes partis de chez notre père pour n'y plus remettre les pieds de notre vie."- "Mes petits garçons, si vous voulez rester ici avec nous, nous sommes prêts à vous garder. A notre mort, ce que nous avons vous restera."3 Les petits garçons disent: "Nous aurons soin de vous, grand'mère et grand-père."

Le soir arrivé, ils s'en vont se coucher dans leur lit. Quand, le lendemain matin, la vieille fait leur lit, gling, gling, gling, un tas d'argent tombe à terre. La vieille ne sait pas ce que ça veut dire. "Mes petits gars! vous avez mis ce tas d'argent sous votre tête pour voir si on est voleur ?" "Grand'mère, nous n'avons pas mis d'argent Les petits garçons se disent: "Demain matin, il

sous notre tête."

1 Tout entiers.

Fournier dit: "Où c'que vous allez ?"

Fournier dit: "Vous aurez de quoi c'qu'on l'a (l: fausse liaison), mais (i.e. quand) c'qu'on meure."

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