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platée d'avoine était répandue, et le lutin n'est pas revenu. Il paraît que quand le lutin fait du mal de même, il ne revient plus; ça le chasse. Je crois qu'il y a des lutins; quand les chevaux sont bien tressés, il y a quelque chose!

[Après une question:] Mais les gobelins et Marlin, je[ne] connais pas ça. [C'est] le bonhomme la-Pétusse 1 [qui] en parle.

6. LE LUTIN DU CHEVAL ROUGE.2

C'est notre cheval rouge; il avait toujours la crigne tressée. Le lutin lui tressait des couettes de crin.

Un jour, notre cheval avait été attelé [par le lutin]; mon mari, ça [ne lui] plaisait pas. Il avait entendu dire que mettre de la cendre au-dessus de la porte de l'écurie, [c'était un bon moyen de chasser le lutin]. Quand il (le lutin) passait avec le cheval, il renversait le petit vaisseau de cendre; et il fallait absolument qu'il ramasse toute le cendre, sans en laisser. Ça le choquait. Ça fait qu'ensuite, il ne revenait jamais prendre le cheval. Il le laissait tranquille.

7. LE LUTIN DE LA MÈRE PRIME.3

J'étais à la maison et on se met à parler de ces affaires-là (les lutins). La mère Prime Bolduc, qui était veuve de son deuxième mari un Morency, entendait bardasser dans l'étable. Sa jument n'avait pas l'air bien; [sa crinière] était tressée par les lutins. Elle s'en va à l'étable, rouvre la porte tranquillement. Elle se met à regarder; elle aperçoit comme un petit chat sur le dos de la jument. Rouvre la porte complètement. Le supposé petit chat-un lutin saute et puis joupe! il disparaît dans le trou à foin.

[S'approchant] de sa jument, elle voit qu'elle avait été tressée et trimée pour prendre un course. Elle se met à la détresser. Comme la jument n'avait plus de foin dans la crèche, prend la bèche pour tirer du foin justement où le lutin était passé, après la tasserie. Tiraille, tiraille. La voilà bien en diable. Tout d'un coup, elle part avec un paquet de foin et elle tombe sur le dos, les pattes en l'air. "J'ai rabaissé ma robe vitement," elle disait; "le lutin renvoya un éclat de rire. Je l'ai entendu comme je vous entends là."

La mère Prime [ne] s'est jamais raperçue que sa jument avait du dommage, rien.

1 Sobriquet de François Vallée du Chemin-neuf (Gaspé).

2 Raconté par Mme Thomas Vachon, à Sainte-Marie (Beauce), en août 1919. Mme Vachon ajoutait: "Il y a trente-sept ou trente-huit ans de ça. [Le cheval] avait pas mal de train. Faut croire que [le lutin] aimait à le mener, puisqu'il venait le chercher pendant la nuit."

Raconté par Hermias Dupuis, à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919. La 'mère Prime' Bolduc, née Marie Bilodeau, contait cette anecdote quand Dupuis avait une vingtaine d'années. Elle aurait maintenant environ cent cenq ans.

C'est supposé que quand on laisse faire les lutins, ils ne causent pas de dommage du tout. Ils ont soin des chevaux dont ils se servent c'est la croyance. Quand il n'y a pas de manger à donner aux chevaux, ils vont en chercher chez le voisin.1

8. LE LUTIN ET LA POULE CAILLE.2

Prime Bolduc venait veiller chez nous, et il parlait avec papa. Il contait de la manière d'arrêter un lutin de tresser [la crinière des] chevaux, comment s'y prendre.

Lorsqu'un cheval avait le crin tressé par le lutin, le meilleur moyen était de prendre une écuelle de cendre et de la mettre sur le soleil de la porte de l'étable. Lorsque le lutin entrait, il répandait la cendre et il était obligé de la ramasser brin par brin. Il fallait que ça marche vite avant que le propriétaire vînt à rentrer.

Prime était un homme malin, qui se fâchait. Le diable, il n'en avait pas peur. M'a dire comme lui: "Un jour, je reminais pour tâcher de prendre le lutin. J'avais mis mon écuelle de cendre dans la porte de l'étable. Je dis: 'Ecoute, Marie, tu vas venir cogner dans la porte. Je vas aller me mettre, avec une poche, dans le guichet de l'étable. S'il se sauve par là, je le pognerai."" Prime était sous l'impression qu'un lutin ou qu'un diable, lorsqu'on le pogne dans l'état [où] il est, il [ne] neut plus se changer, pendant le temps qu'il est entre vos mains.

Prime avec sa poche, pi Marie avec son bâton, partent. Prime s'en va par derrière l'étable, et il tend sa poche. Sacréyé pas! Marie cogne à la porte, et Prime ouvre le guichet. Tout d'un coup, bangn, bangn, bangn, ça sonnait dans l'étable; les chevaux se levaient; ça menait un vacarme les chevaux avaient peur-; ça cognait tout le temps [dans la porte]. Tout à coup, Prime sent un paquet rentrer dans sa poche, pense que c'est le lutin, qu'il l'a. "Sacréyé! je l'ai."

Ils partent et ils s'en vont à la maison. "Va chercher Georges" 4

1 M. et Mme Luc April, de Notre-Dame-du-Portage, racontaient, en juillet 1918: "Labonté (du même endroit) nous [a dit] qu'il a vu ses chevaux sortir dehors et faire le tour de la grange à fine course, la nuit. Le matin, il trouvait ses chevaux tout trempes, le poil mouillé. Ils avaient tout le crin tressé, tressé. Il dit que le lutin se mettait sur le cou du cheval, et les pieds dans le crin [tressé]. Chez nous [aussi] c'est arrivé. Les chevaux étaient tressés en masse. Dans ces temps-là, ils ne mettaient pas de rameaux [bénits] dans les granges. A présent, on [y] met des rameaux et jusque dans le crin des chevaux." "J'ai souvent entendu parler des lutins. Quand on voyait que les chevaux avaient le crin tressé, on s'apercevait qu'ils commençaient à engraisser. Ça engraissait les chevaux. On disait: "Tiens! les lutins commencent à soigner les chevaux. On barrait les portes des bâtiments comme il faut, mais les chevaux sortaient pareil, la même chose."

2 Dicté par Hermias Dupuis, à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919. C'est Prime Bolduc lui-même qui racontait cette histoire, il y a plus de cinquante ans.

Sa femme.

4 Georges Dupuis.

- en parlant de papa. Mais Prime est trop malin; il n'attend pas Georges; il regarde dans sa poche; il se trouve assez homme pour maîtriser le lutin. Rouvre la poche: une poule caille. "Sacréyé pas! Marie, c'est la poule caille. On l'a manqué [,le lutin]." C'est qu'il croyait à ça, cher monsieur!

9. LES TORONS' DE CRIN.1

C'était un étalon, un vrai beau cheval. Dans ce temps-là, je croyais bien que c'était un des plus beaux chevaux de la Beauce. J'en avais soin, mais il ne m'appartenait pas. Puis, on entendait parler des lutins comme aujourd'hui, dans ce temps-là. Les chevaux étaient tressés, et le lutin les menait.

Un soir, on s'en va veiller plus loin, un peu, et on menait le cheval pas mal. J'arrive chez nous, le cheval avait chaud; met le cheval dedans, jette le harnais, met le cheval dans son pâr. Je l'attache. Je m'[appuie] à coté de lui et je le regarde manger, mon cheval. Tiens, je voyais tortiller les couettes de crin; elles se roulaient [tandis que le cheval relevait la tête en arrière et de côté].2 Ça se roulait, et à mesure que le crin se ressaurait, ça se roulait [de nouveau]. Les crins venaient par 'torons.'

Tout d'un coup, comme je regardais, mon cheval se renvoie la tête en arrière en se frottant le cou. En voyant ça, je remarque trois couettes de prises ensemble; ces couettes-là, en séchant, se tortillaient. Dans une minute et demie, elles pouvaient faire un demi tour, en séchant. Je me dis: "Je l'ai, le lutin! Moi, je l'ai pris." Je parlais tout seul. (Et le conteur se mettait à rire.)

C'est de même que ça se fait, les 'torons' dans le crin des chevaux.

C) Les fées.

Il ne semble pas que les fées aient eu un grand empire dans les croyances populaires canadiennes-nous n'incluons pas ici celles dont il est si souvent question dans les contes populaires. A part la fée de caverne dont parle l'anecdote gaspésienne (10), nous ne connaissons guère que celle de la montagne du collège, à Sainte-Annede-la-Pocatière (Kamouraska), qui apparut autrefois dans une grotte où il y a une source, et celles qui, à Lorette (Québec), sont supposées habiter dans une source à ciel ouvert, au milieu des saules, le long de la rivière Jacques-Cartier. (Voir Sébillot, ibid., Vol. IV, p. 451) (Photo. 1, Pl. IV).

1 Raconté à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919, par Hermias Dupuis, qui fait remonter ce souvenir à près de vingt-cinq ans en arrière.

2 Le conteur imitait lui-même ce mouvement.

IO. LE TROU-DES-FÉES.1

Il y a un Trou-des-fées, ici, au pied du cap, à ras de la Chunée.2 On appelle ça toujours de même, jamais "La Tourette." on en parle, on dit "La Tourette" et pas "La Tourelle."

Quand

On était jeune et on allait courir par là. Quand on venait [à se trouver] aux-à-vis du Trou-des-fées, on passait là que les talons nous en touchaient aux fesses. Et celui-là qui était un peu plus grand que les autres, lui, il se mettait en avant et il s'[avançait] tranquillement vers le trou; des fois, il prenait une roche et il approchait; vlagn! il tirait la roche, et on partait à courir, à se sauver. Il disait: "Il me semble que j'ai entendu quelque chose. . . . Je pense bien que j'ai attrapé une des vieilles fées."

trou.

Après qu'on a été pas mal grand, on s'en allait et on rentrait dans le Mais, au commencement, on avait peur, parce qu'ils disaient que c'était un trou fait pour les fées.

Un coup, moi, j'ai rentré dedans, à la course, un soir; il était sorti un homme de dedans. J'ai trouvé un beau couteau, un pied de long; la lame fine était comme celle d'un couteau espagnol, elle relevait du bout. Il y avait trois petits rivets à grosse tête plate en cuivre jaune, sur le manche.

On a toujours considéré qu'il y avait, autrefois, des fées dedans ce trou.

D) Esprits, fantômes, lieux hantés.

Les esprits pleureurs, dont les anecdotes II, 12 et 13 fournissent des exemples, ne sont pas décrits assez explicitement pour qu'on puisse déterminer leur affiliation. Sont-ils des nains pleureurs, comme il s'en trouve dans les traditions européennes? Ou sont-ils les "esprits crieurs," les revenants dont parle Sébillot (ibid., I, 280-83)? Nous ne saurions nous prononcer.

Les hantises sont aussi communes au Canada qu'en France; mais au lieu d'églises et de châteaux hantés (Sébillot, ibid., Table analytique, IV, 457), n'importe quelle maison est sujette à ces possessions surnaturelles et fatalement persistantes, ainsi que le démontrent les anecdotes 17 et 18. D'autres anecdotes de hantise nous sont aussi venues de plusieurs endroits.

Le sabbat des chats diaboliques au Pont-des-chicanes (16) ressemble quelque peu aux combats des chats cités par Sébillot (ibid., I, 241).

1 Dictée de François Saint-Laurent, de La Tourelle (Gaspé), où se trouve cette grotte des fées, qui a environ dix pieds de profondeur et quinze pieds de hauteur. L'entrée en est étroite.

2 Pour "La Cheminée," une haute colonne de pierre, formée, sur la plage, par érosion graduelle. A un mille environ, plus bas, se trouve une seconde "tourelle," appelée ordinairement la "Petite-chunée."

Le nom de "La Tourette" ou "La Tourelle" communément donné au village avoisinant fut remplacé par celui de Saint-Joachim, lors de l'érection récente d'une nouvelle paroisse.

Expressions régionales: (11) Si ça s'adonne, pour si c'est possible, si ça tombe au bon moment; vrai de reste, pour trop vrai; c'est bâdrant, pour inquiétant; la brun, pour le crépuscule; tu suite, pour tout de suite; en toute, pour du tout; teurde, pour tordre; son butin, pour ses vêtements; (12) terrir, pour atterrir; brailler, pour pleurer; mener la poste, porter la malle; (13) éventer des beugles, pour faire retentir l'air de beuglements; (14) un campe, demeure temporaire; bûcher, pour abattre des arbres; (16) baptisé, pour nommé; les gardecoups, pour garde-fous; une petite secousse, pour quelques moments; des miaules, pour miaulements; (17) un bordas, pour un tapage; (18) démancher la maison, pour démolir.

II. LE PLEUREUX DE L'ANSE-PLEUREUSE.1

[C'est] à l'Anse-pleureuse. D'abord, avant que les postes se soient établis là, [on] entendait pleurer. C'est pour cette raison qu'ils ont nommé ça l'Anse-pleureuse. L'Anse-pleureuse portera ce nom tant que le monde existera parce qu'il y est arrivé des choses [bien extraordinaires]. Dans le temps que les prêtres ont commencé a desservir les paroisses [d']ici-Sainte-Anne, le Mont-Louis, la Madeleine, le Clairi-d'ormes - ils partaient du Clairi-d'ormes en remontant jusqu'à Matane. Ils voyageaient par 'voitures d'eau,' c'est-à-dire en barges. Une barge avec trois ou quatre hommes allait, pour descendre le curé d'une paroisse à l'autre.

Toujours qu'un coup, ils descendaient avec M. Biladeau 2 et le défunt M. Mailloux. Ils partaient pour aller à La Madeleine; et, en descendant, ils se mirent à parler de l'Anse-pleureuse, qui se trouve à six lieues de La Madeleine. Le curé a dit à ses hommes: "Si ça s'adonne, on restera coucher à l'Anse-pleureuse, pour voir si c'est bien vrai qu'on entend pleurer." Les hommes ont [répondu]: "C'est bien vrai de reste, monsieur le curé." L'un d'eux reprend la parole, dit: "C'est vrai; j'ai déjà couché là et j'ai entendu pleurer bien plus' que j'aurais voulu. Ça n'a pas d'l'air à vouloir faire de mal; mais, monsieur le curé, c'est toujours bâdrant, vous savez." Le curé dit: "Je serais bien curieux d'entendre pleurer ça. J'ai toujours pensé que c'était des histoires à ma grand'mère."

Et là, les quatre hommes avec lui, ils se décident de faire la terre pour l'Anse-pleureuse, et de passer la nuit' là, parce qu'ils voyaient que ça tombait absolument dans les goûts du prêtre.

En arrivant à l'Anse-pleureuse, ils mirent leu barge dans la petite 1 Raconté par François Saint-Laurent (La Tourelle, Gaspé), qui tient ce récit du "bonhomme Barthélemi Robison'" (Robinson), du "bonhomme Narcisse Robison"" et de "la mère Marianne Robison"". La mère Robison “a été la première à établir l'Ansepleureuse avec le père "Jimmy Anley," qui était son mari. Elle est morte, il y a quatre ans, à l'âge de] cent trois ans."

2 Bilodeau.

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