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rivière, et là, ils s'allument un bon feu, sur le bord du plein. Et aussitôt la brun commence à prendre. [Ils commencent] à entendre pleurer une voix qu'il s'en venait en gagnant le bord du rivage, qu[i] avait l'air à partir de dedans le bois, du sud en revenant au nord. Le premier qu[i] entendit, c'était le curé. Il dit: "Je crois d'avoir entendu pleurer." Une autre son de suite se fait entendre, et un troisième, distinctement, pour faire voir que c'était un pleur. Et ça se met à pleurer bien fort at ça approche. Le curé tu suite prend son surplis, son étole et son manipule. Il se lève de dessus son séant et regarde du côté [d'où] venait la voix. Il voit [approcher] un homme qui pouvait avoir cinq pieds et demi de grandeur et [qui avait] la tête enveloppée dans un mouchoir rouge. Il ne voit pas de figure en toute. [L'homme] s'en vient au bord de la mer, et là, il se baisse; il prend de l'eau avec ses deux mains et il se l'envoie dans la figure. Après ça, il se revire de bord en pleurant et il regagne le bois. Le curé [,qui le suivait,] part par derrière lui.

Le prêtre a été une demi-heure à son voyage; il avait son breviaire avec lui. Et quand il revint du bois, il pouvait teurde tout son butin sur lui, comme s'il avait été saucé à l'eau. Ses hommes lui ont dit: "M. le curé, êtes-vous capable de nous dire qu'est-ce que c'était que ce gâ-là, qui avait la tête enveloppée dans un mouchoir rouge, qu'on appelle le "Pleureux de l'Anse-pleureuse?" I [répond:] "Mes pauvres enfants, personne n'entendr[a] plus rien. C[e sont] des pauvres âmes en peine qu[i] avaient besoin de secours."

Et depuis ce temps, [on] n'a jamais rentendu aucune chose. [Ce que je vous ai dit,] c'est la vérité.

12. LE BRAILLEUR DE LA MADELEINE.1

A La Madeleine, il y a une belle rivière, pour terrir avec les barges, en tout temps. Les pêcheurs, quand ils avaient du temps un peu dur, terrissaient dans la rivière, pour se mettre à l'abri.

Quand ils étaient rendus là, ils entendaient toujours brailler, un son terrible, un son comme [d]'une personne qui aurait été en peine. Ça braillait comme un enfant qui braille fort. Ça partait du bord du rivage, et ça gagnait le sud, dans l'intérieur du bois. Ils ne savaient pas ce que ça pouvait être.

J'ai entendu parler de ça, quand j'étais jeune garçon, par un Blanchet et [par] mon défunt beau-père, Barthélemi Vallée, qui menait la poste, [et qui] entendait toujours brailler. C'était connu de beaucoup de monde.

13. LES BEUGLEMENTS DE L'ANSE-PLEUREUSE.2

Je peux vous donner des nouvelles bien certaines de ce qui a été entendu dans le lac, par moi et par un de mes frères.

1 Raconté par François Saint-Laurent, de La Tourelle (Gaspé), en août 1918.

2 Raconté par Isaïe Vallée (sobriquet: la Pétusse), du Chemin-neuf (Gaspé). Vallée était âgé de soixante-treize ans (1918).

On partit de la mer et on monta en flat dans la rivière, pour aller prendre du saumon au flambeau, la nuit. Quand on fut rendu à "la Recharge," au bout d'en haut, on se mit à flambotter, et on prenait de la truite en abondance.

On a entendu tomber [quelque chose] dans le lac, à ras nous autres, pour faire poudrer l'eau effrayant. Mon père a perdu connaissance. Moi, j'étais bien plus hardi que lui. Je l'ai fait revenir. J'ai tué mon flambeau et j'ai pris le descendant. C'était quelque chose d'effrayant. Après avoir tombé dans le lac, ça a remonté amont la montagne, et ça éventait des méchants beugles. On [n'a pas perdu de temps] à descendre à la mer.

Après que les prêtres ont été là, [ces bruits] se sont abattus. Ça été bien des années qu'on a entendu beugler, dans la montagne, comme un gros taureau enragé.

14. LES BÛCHEURS DE L'ANSE-PLEUREUSE.1

Marianne Robison' racontait que, dans les premières années qu'ils commençaient à établir l'Anse-pleureuse, ils avaient un campe de battu [à] l'es[t] de la rivière, à peu près à un arpent. Presque toutes les barges pêcheuses arrêtaient là. Ça ne les surprenait pas quand ils voyaient venir quelque embarcation, dans la rivière.

Un bon jour, le soleil avait à peu près deux heures de haut, avant de se coucher. Ils voient venir trois barges pêcheuses vers l'Ansepleureuse. C'était du monde ordinaire des paroisses d'en haut qui venaient pour faire la pêche. La bonne-femme Marianne dit: "Je pense que ces gens-là vont venir ici; il y a six hommes à bord de chaque barge. . . . Mais non," elle dit, "ils échousent, ils rentrent leux barges du côté du ouesse de la rivière, ils allument un feu, et on les voit tou[s] qui se mettent à manger autour du feu, avec de quoi dans les mains." Jimmy dit: "Faut croire qu'ils sont trop [nombreux] pour venir ici."

Après qu'ils eurent mangé, le soleil pouvait avoir une heure de haut. Ils prennent des haches et ils se mettent tous à bûcher. C'était du grand bois. On entendait tomber les arbres drus comme mouches. Jimmy dit: "Faut croire que ce sont des gens qui viennent pour faire la pêche et pour cultiver, ici. A leu[r nombre], ça va aller vite." Il faisait noir et on entendait bûcher et tomber les arbres.

Le lendemain matin on fut surpris de voir que les trois barges étaient parties, mais encore bien plus surpris de voir qu'il [n']y avait

1 Répété par François Saint-Laurent, qui le tenait de Barthélemi Robinson, le frère de Marianne. Saint-Laurent et sa femme ont souvent entendu ce récit, il y a environ vingt-cinq ans.

2 Pour savoir l'heure, on mesurait la hauteur du soleil sur l'horizon au moyen des mains posées l'une sur l'autre en largeur, alternativement.

VOL. 33.—NO. 129.-14.

pas un seul arbre qui avait été touché. Marianne Robison dit: "Il [n'y avait pas d'autre chose à croire, c'étaient encore des gens qui venaient de l'autre monde, comme toutes les anciennes choses entendues ici, à l'Anse-pleureuse."

15. LES PLAINTES DE L'ANSE-À-JEAN.1

L'Anse-à-Jean est [à] quatre milles plus bas qu'ici (La Tourelle). J'ai resté là, avec mon vieux père, une dizaine d'années. J'avais plus que sept ans.

On entendait, à l'Anse-à-Jean, toutes sortes de bruits. Des fois, l'hiver, on entendait venir vers [soi] une voiture et des grelots; mais on ne voyait pas de voiture. Le bruit des grelots baissait jusqu'à ce qu'on [n']entende plus rien. C'était une place où les voitures passaient bien rarement; il n'y avait presque pas de chemin.

D'autres, le soir, entendaient des choses: ça venait frapper à la porte. Ils ouvraient la porte; il [n'ly avait personne. Des jours de neige, on regardait pour voir s'il y avait des traces de battues [conduisant] à la porte. On [ne] voyait aucune trace. Des fois, on entendait des plaintes, dans la maison où [l']on restait, comme si c'était un plainte de malade. D'autres tantôts, on voyait une lumière, dans la maison. Et la nuit, on entendait du bruit, comme [si c'eût été] un homme qui prenait la vaisselle, qui mettait le pied sur une chaise, qui marchait de côté [et d'autre.

On ignorait ce que ça pouvait être. Toutes les maisons du Petitposte de l'Anse-à-Jean-il [n']y avait que quatre maisons dans ce petit faubourg-là entendaient des bruits de toutes sortes.

-

Le soir,

les garçons du voisin allaient chercher de l'eau au puits, et en tirant leur chaudière du puits, la chaudière était saisie et arrêtée. D'autres tantôts, c'étaient des siffles.

Ça avait l'air surnaturel.

16. LE CABAT DES CHATS SUR LE PONT-DES-CHINANES.2

Mon défunt grand-père travaillait à journée; [il] était un journalier, à Rimouski.

Ils avaient bâti un pont sur la rivière. C'était à qui n'emporterait pas son morceau de bois; et il y avait à poursuivre. C'est pourquoi on l'a baptisé le "Pont-des-chicanes," après qu'il a été contruit.

Pas bien longtemps [après], il s'est ramassé trois à quatre cents chats, la nuit, que le pont en était couvert. Il y en avait partout, après les garde-coups; et [on] disait que "c'était un cabat des chats."

1 Raconté par Alfred Saint-Laurent (âgé de 46 ans), de La Tourelle (Gaspé), en octobre 1918.

2 Dictée de François Saint-Laurent, de La Tourelle (Gaspé), qui dit: "Mon défunt père a conté ça des centaines de fois. C'est son père qui [le] lui avait conté. Et c'était arrivé." . . . "Ces chats-là, ça devait être des guiâbes."

Un bon soir, mon défunt grand-père revenait de son ouvrage. Il avait veillé une petite secousse. Il arrivait au pont; le cabat des chats y était. Le pont [en] était couvert. [Le grand-père] était un homme capable et pas peureux. Il avait une hache. Il avance sur le pont, à grands pas. Les chats envoient des maiules épouvantables. [Le grand-père] prend sa hache par le manche et la tire à travers des chats. Il en tue un. Voilà tous les autres qui partent à la course en disant: "Robert est mort!"

Toujours que mon grand-père traverse, et il arrête à la première maison de l'autre côté. Il se met à conter ça au voisin du pont. Sou[s] le poèle, il y avait un gros chat noir qui avait dans les deux pieds et demi de longueur. En entendant conter ça, que Robert est mort, il commence à s'allonger et à se grossir la queue; et il s'allonge. Il y avait un chassis qu[i] avait une vitre de partie; [on y avait mis] un bouchon de linge. Le chat part, il dit: "Si Robert est mort, je m'en vas." Et il s'enfile par le trou de la vitre, [en] enlevant le bouchon. Il est parti et il [n']est jamais revenu.

17. LA MAISON HANTÉE DE POMERLEAU.1

La maison de Ti-phas 2 Pomerleau, la maison neuve à deux étages qui est encore là [et où il n'y] a pas de [locataire], c'est là que c'est arrivé.

Les parents de Ti-phas, son père et sa mère, [y] restaient avec ses sœurs. [I] est venu que sa femme, pour une raison ou pour une autre, ne s'accordait pas très bien [avec les autres]; les vieux sont partis de là. Directement, Cléophas était malade, dans le temps; il était avancé.

Quelque temps avant sa mort, la veuve Girard s'en va pour avoir son loyer là. Cléophas dit: "Mes parents [n']ont pas pu rester ici: jamais personne ne pourra y rester; jamais je [ne] leur louerai." Mme Girard est partie et s'est en retournée.

Quelques jours après, Pomerleau était mort. Tout [de] suite, sa femme a fait demander à Mme Girard que si elle voulait prendre le loyer, elle pouvait l'avoir. Elles se sont convint de prix; elle a accepté le loyer et elle a déménagé.

[D es] la première nuit que la veuve Girard [et sa fille] ont couché là ça a commencé comme si une personne partait d'en bas, montait l'escalier et marchait. Elles ont eu peur. Chaque soir, d'une journée à l'autre, le train augmentait; et plus ça approchait de leur chambre; ça marchait plus longtemps.

Un bon coup, dans les derniers temps, c'est comme si un homme était parti d'en bas, avait monté l'escalier, s'était en allé dans la porte de leur chambre, avait rouvert la porte et l'avait refermée d'une raideur

1 Dicté par Hermias Dupuis, à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919.

2 Petit Cléophas.

comme pour la défoncer. La veuve Pomerleau [,qui restait dans l'autre moitié de la maison,] a elle-même entendu de son côté le bruit, pareil, entendu un bordas de même.

La veuve Girard a laissé le loyer, a déménagé. Depuis ce temps, un autre [locataire] - je ne sais pas qui a essayé de rester là, mais il en est sorti aussi.

C'est ma[demoi]selle Girard qui a conté ça à ma fille, il y a [plus que] trois semaines; elle pensait que l'affaire s'était faite; ça n'] était pas pour conter des menteries.

Moi, me trouver pris là-dedans, je ne sais pas ce que je ferais.

18. LA MAISON HANTÉE DE DION.1

C'est elle-même, la Polycarpe Dion, qui disait: "Je [ne] savais pas ça, lorsqu'on s'est en venu dans cette maison-là." Son mari était parti; il allait travailler ailleurs. Les voisins demandaient [à la Dion]: "Vous avez entendu quelque chose?" Elle répondait: "J'ai entendu des coups, mais je ne sais pas ce que c'est." - "Si ç'a commencé, vous [n']êtes pas au bout!"

Toute la nuit, ils entendaient marcher; [ils entendaient] des coups, comme si quelque chose avait tombé — c'était comme une masse qui part d'en haut et tombe à terre.

Ça fait que quand ils ont eu fait une escousse là-dedans, ils ont démanché [la maison,] et ils se sont bâtis en neu[f].2

E) Le Rocher-malin.

Parmi les lieux hantés dont on nous a jusqu'ici entretenus, les Sauteux, l'Anse-pleureuse, l'Anse-à-Jean (de Gaspé) et le Rochermalin (de Notre-Dame-du-Portage, Témiscouata) occupent le premier rang. Au lieu des nains, des esprits pleureurs ou des revenants qui préoccupaient l'imagination timorée des habitants de Gaspé, c'était le diable lui-même Charlot, d'après son sobriquet local- qui rendait le Rocher-malin redoutable. Se déguisant tantôt en gros chien doué de parole humaine, en petit chien poursuivant incessamment les voy1 Raconté par Hermias Dupuis, en juin 1919, à Sainte-Marie (Beauce). Mme Dion avait elle-même fait courir cette nouvelle, il y a plus de dix ans.

2 M. et Mme Luc April, de Notre-Dame-du-Portage, nous racontaient, en 1918: "Les gens avaient baptisé la maison de Joseph Gagnon, près de Saint-André (Kamouraska), la "Friponne." Ils l'appelaient [ainsi] parce qu'ils voyaient toutes sortes d'affaires, dans les premiers temps. C'est bien avant moi. Mme Paradis, une vieille qui reste chez Joseph Gagnon, sait bien des histoires sur la place. Il y avait des feux follets et des lutins. Les feux follets sautaient d'un piquet à l'autre. [On plantait] des aiguilles sur les piquets, et les [feux follets] allaient passer dans le chat des aiguilles. C'est comme si l'acier les avait attirés." "Il y en avait qui ne voulaient pas aller aux bâtiments (à l'écurie), après la veillée. Il fallait être trois ou quatre hommes ensemble. Ils avaient peur."

3 Voir aussi Anecdotes 92 et 98.

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