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mot galerie étant tiré du vocabulaire maritime et signifiant une plateforme élevée à l'extérieur d'une maison. C'est plutôt d'une légende comme celle du seigneur Gallery, en Poitou,' qui fut condamné par le Tout-Puissant à chasser toujours, qu'est venu le nom de "Chasse Gallery." Nous le préférons donc ici à celui que lui ont donné les auteurs canadiens.2

Dans les anecdotes que nous avons recueillies et dont nous ne citons ici qu'une partie, plusieurs espèces de chasses fantastiques s'offrent à l'analyse. Ainsi, une chasse aérienne se fait en canot, aux anecdotes 25 et 26; dans la première, il s'agit d'une chevauchée infernale. On parle d'aboiements et de bruits de chaînes, dans le récit 27; un char en feu, accompagné d'aboiements, est signalé ailleurs (28); et ainsi de suite. (Voir aussi 93.) Les chasses aériennes sont connues dans les traditions canadiennes-anglaises de Long Point (Ontario).3

Expressions régionales expliquées: (27) joucquées l'une sur l'autre, pour 'juchées,' posées l'une sur l'autre; un bordas terrible, pour vacarme terrible; sussuête, pour sud-sud-est; comme les chars, pour comme un train; cabat, pour tapage; des jappes, pour aboiements; noroué, pour nord-ouest.

25. LE CANOT DANS LES AIRS.4

Une petite histoire que ma grand'mère nous contait, [qu]'elle contait à mon défunt père, et [que] mon père nous a dit[e] bien des fois. Après qu'ils se [fussent établis] à Sainte-Anne[-des-Monts], ils vivaient de pêche et de chasse. Dans ce temps-là, il n'y avait pas de culture.

Mon grand-père [et d'autres ont] été étendre des rets. Il faisait bien beau. Tout d'un coup, mon grand-père voit venir un flat dans l'air. Il y a un homme qui rame de même, et un autre qui est à l'aviron, derrière. [Ce dernier] tient un gros chien entre ses deux jambes. Mon défunt grand-père lui dit: "Ou c'que tu vas?" — ils passaient à ras eux autres, en l'air. Il [répond:] "Je m'en vas au Petit-pot-au-beurre." 5 C'était un gars de Rimouski, ça, qu'il avait bien connu et qui n'avait pas 'fait de dévotions' [depuis] quinze ans. L'autre [homme] qui passait dans le canot était mort dans la journée, à Rimouski. Je pense bien que c'était à l'enfer qu'ils s'en allaient, parce que le chien qu'ils avaient, ce [n']était pas un chien ordinaire; il avait deux grosseurs comme les autres.

1 Sébillot, ibid., I, 169.

2 H. Beaugrand, La Chasse Galerie, Montréal, 1900.

3 Coyne, ibid.

Raconté par François Saint-Laurent (La Tourelle, Gaspé), en août 1918.

6 Nom d'une localité.

• Saint-Laurent ajouta: "Ça faisait quinze ans qu'il avait été à confesse."

26. LA CHASSE GALLERY EN CANOT AÉRIEN.1

Autrefois, on appelait Chasse Gallery des âmes en peine qui parcouraient les airs.

On prenait connaissance de ces faits-là surtout durant le temps du sucre, quand les cultivateurs étaient dans les forêts, et couchaient dans le bois, dans les 'cabanes à sucre.'

Ils voyaient passer, dans les airs, des gens qui chantaient; [et c'est] comme s'ils avaient conduit un canot. [On] entendait les coups d'aviron. Les chansons accordaient avec la manœuvre des avirons dans les airs.

Ces nouvelles-là étaient colportées de porte en porte, et les gens croyaient à ça.

27. LE CABAT AUX ECORCHIS.3

Quand je restais à Sainte-Anne (-des-Monts), c'était le défunt Alphonse Sasseville qu[i] avait le contrat de la poste. Dans ce temps-là, on portait sur son dos avec des bretelles des sacs de poste qui pesaient généralement soixante-quinze ou quatre-vingts livres.

Un bon jour, Sasseville s'en vient me demander si je voulais descendre la poste. Le lendemain matin, je pars avec le sac pour descendre. Je m'adonnais dans un temps terrible [,le printemps.]

On passait par le plein, mais la mer avait monté presque au bord du bois. Il y avait des morceaux de glace gros comme des têtes de personnes qui s'étaient joucquées l'une sur l'autre, jusqu'au bord du bois. Ça n'était pas passable. Pour descendre, je retardai, et j'arrivai une journée en retard à La Madeleine, qui est à dix-huit lieues en bas d'ici.'

Je pars pour remonter et, vu que j'étais en retard, j'arrivai à MontLouis le soir. Le maître de poste me dit: "Tu [ne] continues pas à soir?" Je fis réponse: "Oui, je vas continuer; il fait beau; je suis en retard; il faut que je marche un peu, cette nuit."

A peu près deux milles en haut de Mont-Louis, il y a une place qu'on appelle Les-Ecorchis-de-la-rivière-à-Pierre. Ce sont des montagnes hautes épouvantablement. Et quand je suis rendu vis-à-vis de ces Ecorchis-là, j'entends un bordas terrible, qui vient du sussuête, et ça a l'air à venir vite comme les chars. Plus que ça approche, plus que ça mène du cabat. Et ça vient si droit sur moi que je me pense fini. Je dis au plus vite mon Acte de contrition. Après ça, je [n']ai que le temps de dire: "Ah! mon Dieu . . ." et je m'envoie la face dans la neige.

1 Raconté par Charles Barbeau, en mars 1918. Ces affirmations doivent se rapporter au Saint-François (Beauce) d'il y a environ cinquante ans. (Phonog., Anecdote K.) Quand le sucre d'érable se fait, au printemps.

Raconté par François Saint-Laurent (La Tourelle, Gaspé).

• De La Tourelle (Gaspé).

Le bordas avait l'air à passer de la hauteur d'un poteau de télégraphe. On entendait des jappes, des hurlements, des chaînes qui sonnaient, [des bruits] de toute espèce, comme s'il y avait eu des morceaux de couverts de chaudron qu'on frottait ensemble. Ça faisait tout le train imaginable, et c'était si fort [que] les oreilles [m'en] tintaient pas moins de dix minutes après que ça été passé. Et le cabat se dirigeait en gagnant le nord-noroué.

Je vous raconte cette chose pour une pure vérité. C'est à moi que ç'a arrivé. Ça, c'est l'année de la petite Marie-Louise, il y a vingtquatre ans, arrivant à vingt-cinq ans.

28. LE CHAR DE LA CHASSE GALLERY.1

La Chasse Gallery [,d'après ce que] maman contait, [c'était] un char qui passait tout illuminé, tout en feu, le jour, [dans l'air]. On entendait japper les chiens, là-dedans. C'est ce qu'ils appelaient la Chasse Gallery. Des voisins contaient [à ma mère] que ça avait passé à Saint-François (Beauce).

29. LA CHASSE GALLERY QUI MONTAIT.2

Ça, écoutez un peu, [il] est certain que ce [n']est pas pour une menterie que Siméon Gagné l'a conté.

On travaillait sur une petite terre, à Saint-François; on parlait de la Chasse Gallery et de ces affaires-là. J'avais, dans le temps, à peu près une quinzaine d'années.

"Bien, [Gagné] dit, écoutez un peu, ce [n']est pas [possible] de dire qu'on [ne] croit pas à ça. Moi, je suis obligé d'[y] croire; je l'ai entendu."- "Comment, entendu?" - "Oui, oui, oui!"—"Mais, comment ça?" Papa dit: "Qu'est-ce que c'est ça?"—"Bien, il dit, qu'est-ce que c'est ça? Je [ne] peux pas dire. Je l'ai entendu; c'est ce qui s'appelle la Chasse Gallery." — "Qu'est-ce que ça fait?" "Bien, ça marche dans l'air; c'est comme de la tôle qu'on fait vibrer dans l'air. Ç'a passé amont de moi; je l'ai entendu une bonne escousse; puis ça s'en allait, ça montait." 3

Il [n]'était pas menteur, mais il croyait ça.

1 Conté par Maurice Bastien, âgé de plus de soixante ans, à la Jeune-Lorette (Québec), en août 1919. Sa mère était une Canadienne de Saint-François (Beauce).

2 Dicté par Hermias Dupuis, à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919. Siméon Gagné, dont le conteur parle, était un frère de sa mère, aussi de Sainte-Marie.

Isaïe Vallée, du Chemin-neuf (Gaspé), disait, en septembre 1918: "La Chasse Gallery a été entendue, mais pas par ici, dans Gaspé, quelque part. Ça n'] était pas connu par ici.... Une fois, près de chez Saint-Laurent, on était plusieurs. On a entendu passer un bri, comme si c'était ça. Mais je [ne] sais pas ce que c'était." "On a entendu un violon, dans les airs, entre Noël et le Jour de l'an; mais ça fait longtemps de ça. C'était mon père, François Vallée (natif du Bassin de Gaspé), qui contait ça. En même temps, il a entendu passer une chanson, un chanteux, dans les airs."

G) Feux follets.

Les feux follets, dont il est question aux anecdotes 30, 31, 93 et 99, ne sont pas tous de même nature. Dans la première, le conteur explique que les feux follets sont des âmes (en peine) qui, envoyées par Dieu sur la terre pour faire pénitence, s'adonnent au mal. C'est, au contraire, l'âme d'un vivant qui "court le loup-garou en feu follet," dans le récit 31. Les feux follets, d'après 93, seraient "des loups-garous en esprit." (Comparer à Sébillot, ibid., Table analytique, IV, 452.)

30. LE FEU FOLLET ET LE COUTEAU.1

Autrefois, on croyait aux feux follets. Les gens croyaient que c'étaient des âmes envoyées sur la terre par le bon Dieu, pour faire pénitence, et puis [qu']au lieu de faire pénitence, elles s'adonnaient à faire du mal.

Joseph Busque racontait lui-même qu'un jour il traversait une forêt. Il fais[ait] très noir. Il est arrivé un feu follet [qui] s'est mis à lui traverser devant la vue, répété souvent, traverser devant ses yeux, pour l'empêcher de voir clair, afin de le diriger dans quelque précipice [où il] mour[rait].

Le dicton était que quand quelqu'un s'attaquait à un feu follet, il [fallait] prendre une aiguille, la piquer dans un arbre; et le feu follet était obligé de passer dans le chat de l'aiguille. Il passait ensuite son temps là, et il laissait la personne tranquille.

Busque n'avait pas d'autre chose que son 'couteau de poche'; il [le] prend, puis il l'ouvre et il le pique dans un arbre. Ensuite il le ferme presque complètement. Le feu follet [est] obligé de passer dedans. Busque, [une fois] tranquille, a continué son chemin, et le feu follet est resté là.

Justement comme [Busque] allait pour entrer dans sa maison, [comme il] ouvrait la porte, le couteau est venu frapper à côté de sa tête, dans la porte. Le feu follet avait arraché le couteau et l'avait envoyé comme ça.

C'était le dicton et la [croyance] des gens, suppose.2

31. LE PETIT FEU QUI VOLTIGE.3

C'est une histoire que je me suis laissé conter par Baptisse Bisier,1 lorsqu'il restait à Stanfâl. L'affaire est supposée [être] arrivée chez

1 Raconté par Charles Barbeau, en mars 1918. Cette petite scène se passait à SaintFrançois (Beauce), il y a plus de soixante ans. (Phonographe, Anecdote H).

2 M. Luc April, de Notre-Dame-du-Portage, racontait, en 1918: "Labonté m'a dit qu'il travaillait ici, au Petit-ruisseau [,au moulin, avec l'équipe de nuit]. Une fois, avant de partir, le matin, il avait vu des feux follets; ça sautait devant lui; et ça l'avait suivi jusque chez eux. C'est comme si ça avait été des tapons de feu. Il avait eu bien peur." 3 Dicté par Hermias Dupuis à Sainte-Marie (Beauce), en juin 1919. Il y a environ trente ans, Baptiste Bussières racontait ces faits, dont il avait été témoin, à Stanfold. Baptiste Bussières. • Stanfold (Qué.).

Pacaud, qui avait des fermes et qui employait du monde pour travailler aux foins.

[Un été,] les gens qui travaillaient là, après quelque temps, font la remarque qu'un [des travailleurs] disparaissait tous les soirs régulièrement. Après une secousse de même, les gens se mettent à se parler: "Qu'est-ce que ça veut dire? Il part toujours la même heure. Il y a quelque chose."

Un des hommes qui est plus connaissant que les autres dans ces affaires-là, dit: "Demain soir, on verra à ça; on saura à quoi s'en tenir." Le lendemain, après neuf heures, tous les travailleurs étaient au guet. Voilà mon homme parti; après neuf heures, disparaît. Ils partent et ils se mettent à chercher dans la tasserie de foin, sur le fani, partout. Ils arrivent sur une tasserie; ils y trouvent un homme étendu sur le dos, comme un cadavre. Celui qui était supposé plus connaissant que les autres dit: "Vous allez voir ce que c'est." Prend ce cadavre-là et le vire sur le ventre, et il dit: "Attendez!" Ils passent à peu près une heure d'attente. Un petit feu arrive et se met à voltiger autour du cadavre. Ils le regardent faire comme ça. Plus ça va, plus le petit feu perd de force, comme si il va s'éteindre. L'homme de connaissances dit: "C'est ça." Prend le cadavre et le revire sur le dos. Le petit feu lui rentre dans la bouche. [Le cadavre revient à la vie,] et dit: "Vous avez manqué de me faire mourir; je n'étais pas à deux doigts de ma mort." Et moi, quand une personne me contait une histoire comme ça, je demandais: "Pourquoi [ne lui a-t-il pas] rentré dans . . ., s'il ne pouvait pas [passer par] la bouche?"

Le petit feu, c'était un feu follet et il fallait qu'il vînt à lui rentrer dans la bouche. C'est comme si ça avait été son âme. Cet homme-là, il ne faisait pas de religion; pas de sacrements, depuis un certain temps. Il courait en loup-garou ou en feu follet, différentes affaires. C'était un homme de même.

H) Loups-garous.

D'après la tradition européenne, il est possible à un être humain, sous l'empire d'un sort, d'un maléfice ou d'un châtiment de Dieu, de se changer en bête, d'une manière intermittente et pendant une période déterminée. Cette superstition ne constitue d'ailleurs qu'une phase de la croyance universelle aux métamorphoses.1 Des traits assez constants caractérisent ces mutations, quand elles se rattachent à la catégorie bien distincte des loups-garous. La littérature folklorique sur ce sujet est considérable. Nous allons restreindre nos remarques aux anecdotes ci-après citées.

La raison pour laquelle un infortuné — c'est toujours un homme, 1 Les Métamorphoses dans les contes populaires du Canada, par C.-M. Barbeau, Mémoires de la Société royale du Canada, 1916, 143-160.

2 Sébillot, ibid., Table analytique, IV, 463; aussi I, 284.

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