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cela coûterait une trentaine de piastres; mais il a fallu que je donne tout mon argent, des mille et des mille piastres. Le choisi du roi va arriver avant moi, maintenant, et je vais perdre ma belle princesse." - "Mon bon jeune homme, vous êtes poli et de bon cœur; je vais vous aider, parce que je suis fée. Le roi du pays d'à côté est aveugle depuis sept ans; il a fait battre un ban dans tous les pays du monde qu'il donnera sa fille en mariage et tous les biens qu'il pourra emporter à celui qui lui rendra la vue.” — “Mais je ne veux pas de sa fille en mariage. J'aime mieux ma princesse; et je ne peux pas lui rendre la vue." "Pas si vite, mon garçon! Prenez cette petite bouteille et cette plume. En arrivant vous ferez passer le roi dans une chambre noire, et trois fois de suite, vous lui graisserez les yeux. Si vous ne voulez pas de sa fille, vous vous arrangerez avec lui ensuite." — "Merci, madame la fée! Vous êtes bien bonne et je ne vous oublierai pas."

Le petit jardinier embarque dans son bâtiment et s'en va tout droit chez le roi aveugle; arrive à la porte, demande à coucher. "Monsieur le roi, voulez-vous que je vous rende votre vue de quinze ans?" "Cher jeune homme, tous les meilleurs médecins du monde ont essayé, pas un n'a réussi; ce n'est pas vous qui me guérirez."—"Laissezmoi toujours essayer."-"Ha! ha!" La reine, qui écoutait en faisant son petit train, dit: "Essaye donc; ça ne peut pas te faire mal." -"Non, non!" A force de s'obstiner, le roi change d'idée, et il entre dans le cabinet noir. Le jardinier donne à la reine son portemanteau après avoir pris la petite fiole, grosse comme ça, et la plume. Il fait asseoir le roi, lui ouvre la paupière et par trois fois passe la petite plume. Le roi crie: "Mon Dieu! je vois un peu." — "Couchezvous sans broncher; je reviendrai." Le jardinier part, en fermant la porte. Vers neuf heures, il retourne et il fait la même chose. Le roi crie: "Mon Dieu! je vois quelque chose.” — “Couchez-vous sans broncher; je reviendrai." Le petit jardinier va se coucher dans une chambre bien éclairée. "Demain, au soleil levant, je serai debout."

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En effet, le lendemain matin, il se lève avec le soleil qui brillait sur la terre, entre dans le cabinet noir et repasse trois fois la petite plume sur l'œil du roi. "Maintenant, venez avec moi." En ouvrant la porte du cabinet noir, le roi crie: "Mon Dieu! je vois avec mes yeux de quinze ans. La reine, viens ici tout de suite avec mes six enfants, que je n'ai jamais vus." Imaginez si toute la famille était contente!

Après déjeuner, le roi dit au jardinier: "A cette heure, mon ami, vous allez avoir ma fille en mariage. Voyez si elle est belle! Et vous aurez tous les biens que vous voudrez emporter." "Non, merci, sire mon roi! Votre princesse est bien belle, mais je ne suis pas venu ici pour me faire payer, seulement pour vous rendre service."— “ Il faut que vous preniez quelque chose. Si vous ne voulez pas de ma

fille en mariage, c'est que vous en aimez une autre."

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la princesse du roi mon maître, mais je crois bien que je l'ai perdue: Et il raconte tous ses malheurs au roi. "Mon ami, je veux t'aider; attends à demain." Et le roi lui fait bâtir un beau bâtiment tout en or et en argent, avec une belle chambre bien finie, en beau bois; ce qu'il y avait de plus rare au monde.

Pendant ce temps-là, le préféré du roi arrive chez son maître, avec de beaux présents pour tout le monde. "Ma fille, prépare-toi tout de suite à te marier."-"Mais, papa, le petit jardinier n'est pas arrivé." — "Votre petit jardinier, dit le choisi, il n'est pas prêt de revenir; il a gaspillé tout son argent à parler avec les femmes pour faire enterrer les cadavres."—"Ma fille, tu vas te marier tout de suite avec mon choisi." "C'est bon, mon père; mais pas ce soir,

il est trop tard."

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Le lendemain matin, le roi court réveiller sa fille: "Lève-toi, il est temps de te marier." - "Mon père, laissez-moi aller regarder dehors encore une fois."-"C'est bon!" "Mon père, mon père, venez donc voir ce qui arrive sur la mer; cela luit comme un soleil." — "Mais qu'est-ce que ce peut bien être? Ma fille c'est peut-être quelque faraud qui vient pour toi. Mets vite tes rubans et pousse-toi. Tu te marieras demain."

Arrive ce beau bâtiment, tout en or et argent. En voyant le capitaine si bien habillé, le roi ne reconnaît pas le jardinier. "Ma fille, pousse-toi pour cet homme riche. Ah! c'est toi, jardinier? Où as-tu pris ton beau bâtiment?" Le jardinier débarque, embrasse la princesse, donne la main au beau-père et leur conte toutes ses aventures. Imaginez les belles noces qu'ils firent! Ils écrivirent une lettre à la fée, pour la remercier; mais moi, ils ne m'ont rien écrit. SAINT-VICTOR, BEAUCE, P.Q.

ARY

(b) CONTES DE CHICOUTIMI ET DE LA MALBAIE.

PAR MALVINA TREMBLAY.

81. LE ROYAUME SOUS L'EAU.1

Il y avait, une fois, un oiseleur.

Un jour, il part avec sa cage pour la chasse. Marche, marche. Arrive au pied d'une côte, regarde en haut et aperçoit une femme penchée, qui contemplait un oiseau dévorant un poisson. Monte la côte, s'approche tout doucement de la femme, lui met la main sur l'épaule et lui dit: "Vous êtes mon esclave; suivez-moi!" et il l'emmène.

1 Récité par Mme Octave Tremblay (Léa Savard), née en 1831, à La Malbaie, et longtemps domiciliée à Chicoutimi, P.Q. Mme Tremblay, qui sait tout juste lire et écrire, apprit ce conte à Chicoutimi, à l'âge de 15 ans, de Jim Alexander, alors âgé de près de 30 ans et à peu près sans instruction.

Ils arrivent chez le roi. L'oiseleur dit aux domestiques: "Allez dire au roi que j'ai une belle chasse à lui vendre." Le serviteur va parler au roi: "Sire mon roi, il y a là un oiseleur qui a une belle chasse à vous vendre." Le roi: "Allez lui dire de rentrer."

L'oiseleur entre avec sa chasse. C'était une princesse comme le roi n'en avait jamais vu, si belle qu'il s'en amourache tout de suite. Il dit: "Bien sûr, je l'achète; elle est bien trop belle. . ." Il ordonne aux femmes de chambre de l'emmener et de lui mettre les plus belles toilettes et les plus riches bijoux possible.

Quand sa toilette est achevée, les femmes disent: "A'ct'heure, belle princesse, vous êtes plus belle que le jour. Allons chez le roi.” "Allez dire au roi que s'il veut attendre trois jours pour me voir, je serai encore cent fois plus belle." Le roi dit: "Mon Dou! trois jours, c'est bien long: j'en suis déjà amoureux, fou; les trois jours ne passeront jamais." I consent, tout de même.

Au bout des trois jours, il se lève de grand matin, au petit jour, met ses plus beaux habits et va frapper à la porte de la princesse, qui vient lui ouvrir. "Bonjour, belle princesse! Vous êtes bien?" Motte.1 Il lui fait plusieurs questions, mais ne reçoit aucune réponse. Il est bien découragé. La prenant par le bras, il l'amène avec lui et la présente à sa cour.

Le soir venu, il donne un grand souper. Il place la princesse à sa droite, lui sert les meilleurs morceaux. Elle mange, mais reste tout le temps muette. Après le souper, la musique joue, et la danse commence. Le roi invite la belle princesse. Elle se met à danser comme une marionnette. Tout le monde de dire: "Si elle ne parle pas, elle danse bien, toujours."

Après la danse, ils rentrent dans leur appartement. Le roi essaie de la faire parler, mais sans y réussir.

Pour couper au plus court, au bout d'un an et un jour, le roi fut bien surpris de l'entendre lui parler. Il la prend dans ses bras, l'embrasse. Il pleure de joie. "Jamais je croirai que vous me parlez, enfin!" "Si je vous parle, c'est que j'ai une grande faveur à vous demander, et un grand secret à vous dire. J'ai eu bien de la peine; ce n'est pas ma place ici. Mon royaume, à moi, est sous l'eau. Voilà un an que j'en suis partie, et je n'ai pas eu de nouvelles de mes parents. Si vous le vouliez, je les ferais venir."-"Ah! certainement que je le veux, si vous pouvez les faire venir."

Elle le quitte aussitôt et s'en va dans une petite chambre, ouvre une petite valise, dans la valise prend des petits papiers, et elle se met à la fenêtre. Avec ses papiers elle envoie dans l'air des petites boucanes bleues. Au bout de quelques minutes, elle entend frapper à la porte. Comme elle court ouvrir, le roi se sauve se cacher dans

1 C'est-à-dire: pas un mot.

son cabinet. C'était la mère et l'oncle de la princesse qui arrivaient. Ce fut un grand bonjour!

Voilà que la table se met pour le dîner. Elle y fait asseoir ses parents, mais elle oublie de faire avertir le roi, qui est encore enfermé. Par le trou de la serrure, il regardait ce qui se passait, et il avait bien peur. Pendant que la mère et l'oncle mangeaient, le feu leur sortait par la bouche et par le nez. La princesse s'en aperçoit. Elle se lève et va chercher le roi. "Vite, sire mon roi! Pardonnez-moi si je vous ai oublié. J'étais si contente de voir maman et mon oncle que je n'ai pas pensé à vous. Mais venez, maintenant.". - "Non, je ne suis pas pour y aller; j'ai bien trop peur de tout ce qui se passe depuis une heure. Vous me saigneriez aux quatre membres que vous ne trouveriez pas une goutte de sang."-"N'ayez pas peur. Ce n'est que leur ambition de vous connaître qui est cause de ce que vous avez vu. Venez!" Elle l'entraîne avec elle. En effet, dès qu'ils l'aperçoivent, le feu cesse de leur sortir par la bouche et par le nez.

Trois jours après l'arrivée de ses parents, la reine offrit au roi un beau petit garçon, dont il fut bien content.

Quand l'enfant eut un peu grandi, l'oncle dit au roi et à la reine: "Si vous vouliez me le confier, j'irais le montrer à mon royaume." La reine ayant assuré au roi qu'il ne lui arriverait aucun mal, il consentit à laisser partir son fils. L'oncle prit l'enfant, et lui ayant donné le pouvoir de voyager sous l'eau, il partit avec lui, et le ramena au bout de trois jours. "Le temps en est venu, dit l'oncle, nous allons retourner dans mon royaume. Dans douze ans je reviendrai ici, et dans ce temps-là, votre fils pourra me suivre à la chasse."

En effet, au bout de douze ans le roi ressoud. Il trouve l'enfant grandi, et dit: "Maintenant tu vas pouvoir m'accompagner à la chasse." Aussi, tous les jours, il l'amène avec lui. Le prince se développait et devenait très-habile chasseur. Il rentrait bien fatigué, le soir, au château.

Un soir qu'il est plus fatigué que de coutume, il tombe endormi, après souper, sur le sofa de la salle à manger, pendant que les parents, eux, parlent ensemble de lui. L'oncle dit au roi et à la reine: "Il faudrait marier notre garçon à une belle princesse que je connais. Mais son père ne veut pas la laisser se marier, et tant qu'il n'aura pas donné son consentement elle métamorphosera tous ceux qui demandent sa main. Il est cependant très avare, et il aime beaucoup les diamants. Je vais lui apporter deux cassettes de diamants et de bijoux, et quand il sera encore dans la joie de recevoir ces présents, je lui demanderai sa fille en mariage pour le prince." Le prince, s'étant réveillé pendant cette conversation, avait tout entendu. Il s'était amouraché tout de suite de cette princesse rien qu'à en entendre parler. Quand son oncle voulut partir pour son royaume, il lui demanda de l'amener

avec lui. Il tourmenta si fort que son oncle fut obligé de consentir. Les voilà partis.

Rendu dans son royaume, il fait part de son projet à la grand’mère, et lui recommande de bien veiller sur le prince pendant qu'il sera absent. Il fait ses préparatifs en cachette et part pour aller chez le roi avec de riches présents. Le roi était bien content de recevoir tant de richesses, mais quand on lui demande sa fille en mariage, il se met en grande colère, et ne veut pas entendre raison. Il fait tant de tapage que la princesse, qui avait eu connaissance de ce qui se passait, se sauve sur une île avec deux de ses femmes.

Pour revenir au petit prince, il avait guetté le départ de son oncle, et l'avait suivi. Mais comme il n'avait pas l'habitude de voyager seul dans l'eau, il se perdit, et, à moitié mort de fatigue, vint atterrir sur cette île même où la princesse s'était sauvée, et il s'était évanoui.

Ayant aperçu ce beau petit garçon, la princesse s'en approche et le fait revenir à lui. Elle l'asseoit prés d'elle, au bord d'un petit ruisseau, et elle lui demande comment il se fait qu'il est là. Il lui raconte donc son histoire et dit qu'il aime déjà tant cette princesse qu'il n'a pas voulu attendre le retour de son oncle pour connaître son sort, et qu'il a déserté sa grand'mère. La princesse lui prodigue toutes sortes de tendresses. Elle lui dit: "Beau prince, vous devez avoir faim, après tant de fatigues? Voici un morceau de galette; mangez-le, ça vous fera du bien." Aussitôt qu'il a mangé la galette, elle lui lance une poigné d'eau au visage en le maudissant, et le voilà changé en oiseau. Elle l'envoie porter par ses femmes dans un endroit où il ne pourra trouver aucune nourriture.

Au bout de quelques jours, un oiseleur qui passait par-là aperçoit l'oiseau. "Quel bel oiseau! Si je pouvais le prendre, je ferais gros d'argent avec. Je n'en ai jamais vu de si beau." Il approche sa cage. Poussé par la faim et tenté par tout ce que cette cage contient, l'oiseau y entre et se fait prendre. L'oiseleur content part avec sa proie, et tout le long de son chemin il crie: "Argent de mon oiseau! qui veut acheter mon oiseau?" Mais il refuse toutes les offres, disant: "Le roi m'en donnera bien plus."

Arrivé chez lui, il dit à sa femme: "Viens voir le bel oiseau que j'ai pris." Sa femme portait toujours trois voiles devant ses yeux parce qu'elle avait eu un sort et ne pouvait supporter la vue d'aucun autre homme que son mari. Elle lève ses voiles pour regarder l'oiseau, mais aussitôt elle les rabaisse, en disant: "Vous m'avez trompée. Ce n'est pas un oiseau, mais un homme métamorphosé. Je connais même celle qui l'a mis dans cet état; nous avons été élevées ensemble. Pendant qu'elle s'instruisait à faire le mal, moi j'apprenais à faire le bien. Grâce à cela, je suis capable de le faire revenir comme il était auparavant." Elle fait quelque magie, et voilà l'oiseau rede

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