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A ce moment le roi s'adonne à passer en carrosse avec sa princesse, près de la porte de la ville. Le roi est surpris de voir tant d'hommes. Mon prince s'avance à la course, disant à la princesse: "Si vous ne me remettez pas mon butin, j'assiège la ville, et vous allez passer au fil de l'épée."—"Ah, grand Dieu, dit la princesse, sûrement que je vas vous remettre votre butin! Mais dites-moi donc par quel moyen vous pouvez avoir autant d'hommes à votre service, dans si peu de temps." "Mais, ma princesse, ce n'est rien pour moi. Je n'ai que la peine de souffler dans mon cornet: cent mille hommes à mon service." La princesse répond: “Je suis tellement surprise d'un pouvoir pareil chez un homme que ne vous crois pas."—"Bien, il répond, ma princesse, vous allez voir." Tire son cornet de sa poche, souffle dans un bout, pas un homme; souffle dans l'autre bout, cent mille hommes; souffle dans l'autre bout, plus un homme. La princesse dit: "Arrêtez, monsieur, espérez! Je vas vous donner votre butin." Détache la ceinture de sur elle; prend la bourse et s'approche pour la remettre avec la ceinture. "Mais, elle dit, s'il-vous-plaît que je souffle dans le cornet pour voir si c'est pareil quand c'est moi. Prend le cornet, donne à la princesse. Elle souffle dedans; cent mille hommes: "Que voulez-vous, princesse, que désirez-vous?" - "Prenez-moi cet homme, battez-le moi, mettez-le moi à mort." On pique mon prince à la déroute, et on le laisse par terre, mort.

Il est là huit jours. Au bout de huit jours, la connaissance lui revient. Mais, plus moyen de revenir à ses frères; c'est fini, il faut se résoudre à mourir.

Tout près de là, il y avait un petit bois; près du bois, un marais. "Ah! il dit, je vas toujours aller me traîner dans ce bois-là, pour mourir." Tout près du marais, il aperçoit un pommier si chargé de pommes que les branches en craquent. Contre le pommier, un prunier dont les branches plient sous les prunes. Il pense: "Avant de mourir, je vas bien manger des pommes et des prunes à mon soûl." Monte dans la tête du pommier, se met à manger des pommes.

Quand il a mangé des pommes un certain temps, il veut descendre du pommier. Il s'aperçoit que le nez lui traîne à terre. "Sacrégyé! il dit, c'est de mourir avec un gros nez." Tombe à terre, sur son nez. A force de donner des coups d'un côté et de l'autre, il vient à bout de se traîner à côté du prunier. Mange des prunes.

Quand il a mangé des prunes, pas mal longtemps, il s'aperçoit qu'il a, dans la figure, le plus beau nez qu'on ait jamais vu. "Tiens! il dit en lui-même, voilà une bonne affaire."

Le lendemain matin, il se casse du jonc et il se tresse un panier. Le panier fait, il l'emplit de pommes et de prunes, s'en va sur le marché de la ville.

Passant par là un domestique du château de la princesse aperçoit

les pommes et les prunes nouvelles. Il court dire à la princesse qu'il y a des pommes et du prunes nouvelles d'arrivées." La princesse demande qu'on les lui apporte, pour en manger.

Assise dans un beau fauteuil, vous n'en doutez pas, elle mange plusieurs pommes. Voulant se lever, elle se pile sur le nez; pan, à bas! Tout de suite, elle se jette sur son lit, la face en bas, dans l'horreur. On s'en va avertir le père, le roi. "Vite, au médecin!"

Médecin arrive, prend la princesse, lui touche au poulx. Le médecin dit: "Ça n'est pas une maladie dangereuse; elle n'a pas de fièvre. Dévirez-vous, que je vous voie dévirée, si vous n'avez pas la fièvre.” Diable! elle ne veut pas. La princesse dit: "Ça n'est pas un bon docteur; un autre!"

Après que mon prince ait resté près du château pour voir ce qui s'y passe, il en va chez un docteur et il lui demande ses habits, pour les acheter. S'habille en docteur, s'en va offrir ses services au roi, pour la maladie de sa princesse.

On le reconduit au lit de la princesse. Là, il fait à peu près comme les autres avaient fait. Comme elle a toujours le visage en bas, dans son lit, il dit: "Princesse, dévirez-vous, que je vous voie la langue. Mais elle ne veut pas. La prenant par les épaules, il la vire la face en l'air. "Ah! il dit, princesse, vous avez un mâle nez.” Il ajoute: "Ne vous découragez pas. Je vas courir chez mon apothicaire et je reviendrai aussitôt pour vous faire disparaître ce nez-là."

S'en va au marais, cueille des pommes et des prunes et retourne au château. Prend quatre ou cinq prunes, fait manger à la princesse. Voilà la princesse avec le nez tout raccoursi. Fait manger quatre ou cinq pommes. Pan! le nez tombe en bas du lit. Il dit: "Ma princesse, vous avez des choses qui ne vous appartiennent pas. Donnezmoi-les, parce qu'elles m'enlèvent toute la puissance de mon remède; autrement je ne pourrais pas vous guérir."-"Ah! elle dit, monsieur, j'ai une petite ceinture ici, qui consiste en rien." "Donnez-moi-la, princesse. Quand vous serez guérie, je vous la remettrai." I en fait autant pour la bourse. Fait manger des pommes et des prunes; fait encore tomber le nez 'aut en bas du lit. C'était le tour du cornet. Quand il a les trois articles, il fait manger des pommes et des prunes à a princesse jusqu'à ce que son nez sort un pied de long - c'est encore un beau nez; regardez mes deux mains. Il dit: "Regardez-moi, princesse, je suis celui que vous avez si bien traité. Vous m'avez volé tout mon butin. Je vous laisse avec un pied de nez. On ne vous appellera plus la Princesse du Tomboso, mais la princesse d'un Pied-de-nez; et moi, je me souhaite avec mes frères."

1 Ici le conteur fait un pied de nez.

85. LA TÊTE, 1

Un homme et une femme n'avaient eu qu'un enfant, un garçon. Dès que l'enfant eut l'âge de raison, ses parents le mirent aux études. Il était à la veille de prendre les ordres quand, un jour, il arrive chez son père. Bien surpris de le voir arriver, son père demande: "Mon enfant, où vas-tu?" — "Bien, mon père, je suis venu vous demander un cheval pour aller chercher l'étoile du soir." Son père n'en revenait pas: "Il faut faire un cours d'étude pour devenir une bête! Où veuxtu prendre l'étoile du soir?"-"Tiens! mon père, regardez; elle se lève.” — “Ah! il dit, ah! elle se lève, là?" Bien découragée, sa mère ajoute: "Donnons-lui un cheval, qu'il s'en aille! Nous ne ferons rien de bon de ce garçon-là."

Parti avec son cheval, le lendemain matin, le garçon enfile dans une forêt. Le soir, il ne l'a pas encore traversée. "Il faut pourtant me loger!" il se dit; la nuit venue. Après un instant de marche, il aperçoit un beau château. Arrivé, il frappe à la porte; personne ne lui répond. Ouvre la porte. Un beau feu, dans la cheminée. Il se met à examiner l'entourage du château. Dans une porte il aperçoit une vieille femme morte, pendue par les pieds, et la tête coupée. "Ah! il dit, la vieille, tu n'es pas là pour tes bienfaits."

Toujours, le jeune homme sort de la maison, met son cheval à l'écurie, lui donne du foin et de l'avoine, s'en revient au château, ouvre son sac pour y prendre son souper. Au-dessus du lit où il s'est étendu, il entend des pas précipités.? Qu'est-ce qu'il voit descendre, dans l'escalier? Un petit bonhomme d'environ deux pieds de haut, qui porte sur son dos un bœuf, une corde de bois, une barrique de vin, et une lèchefrite pour mettre sous son bœuf. "Hoha!" dit le petit bonhomme, en apercevant l'étranger; "hoha! une visite,3 ah, que j'en suis heureux!"-"Où vas-tu donc, là?"-"Je m'en vas préparer mon souper. Attends un peu; je rôtirai le bœuf et nous le séparerons tous les deux."

3

Une fois le bœuf bien rôti, le petit bonhomme le casse en deux, en présente la moitié à son associé, en disant: "Mange!"-"Eh! jeune homme, vas-tu croire que je suis capable de manger la moitié d'un bœuf?"-"Mais tu es cinq fois plus haut que moi, et c'est ce que je mange, moi, la moitié d'un bœuf."—"Apréyé!”

Pendant le repas, le jeune homme se trouve pris de la soif, demande de l'eau à son petit compagnon, qui répond: "Prends cette porte-ci; tu y trouveras une grande allée. Avance de quelques pas, jusqu'à un gros arbre. Il y a là un puits; ouvre le puits; mais ne puise pas

1 Récité par Joseph Mailloux, à Saint-Pascal des Eboulements (Charlevoix), en juillet 1916. M. Mailloux avait appris ce conte de son père.

* Texte: "des pas pressés et précipités qui marchent sur le plancher (en haut)." ' Un visiteur.

tout de suite. Tu verras dans l'eau toutes sortes de choses, mais n'en fais pas de cas." Rendu à la place indiquée, le jeune homme ouvre le puits. Mon Dieu, qu'il est surpris! Il voit là, dans l'eau, du monde qui se bat, du monde qui joue aux cartes, du monde qui danse; enfin, tout ce qu'on peut voir sur la terre, il le voit là, dans le puits ouvert. Tout en examinant ces choses, il voit se percher un oiseau dans l'arbre, au bord du puits. L'oiseau se met à chanter pendant que le jeune homme prend son siau1 et puise. Pendant qu'il hale son siau, il se fait un bruit épouvantable, dans le puits. "Ah! il se dit, je crains bien d'avoir puisé le diable." Il se met à regarder. Il tâte avec sa main. Une tête, dans le seau! Il dit: "Maudite tête, tu n'as pas besoin de faire tant de bruit; tu n'es toujours bien rien qu'une tête!"

Revenant à la maison trouver son associé, le jeune homme dit: "Je crois bien que j'ai pris le diable: c'est un train épouvantable, dans le seau. Je n'y comprends rien." Le petit bonhomme met a main dans le seau, en tire la tête, en disant: "Tiens, ça, c'est une tête. Cette tête, prends-la, va la serrer sur la tablette, dans l'écurie, tout près de ton cheval. Prends bien garde de rien lui demander avant de partir d'ici, parce que je t'enlèverai la tête de sur le dos." Le jeune homme répond: "Je me fou bien de ta tête. Garde-la, ta tête!” "Non, elle te servira; mais seulement quand tu seras parti d'ici."

Sorti, le jeune homme s'en va aussitôt à l'écurie, pour serrer la tête. Quand il est rendu à l'écurie, prend la tête dans sa main. "Cou'don, ma tête, c'que je vas faire?"-"Ah! dit la tête, tu es ici chez le diable. Tiens! si tu veux m'écouter, tu vas réussir; mais si tu ne m'écoutes pas, tu es perdu et moi aussi." — "Que faut-il que je fasse?"—"Demain matin, ton cheval va avoir deux doigts de lard sur les côtes et il va reluire au soleil. Ecoute bien et remarque ce que je te dis: le nain viendra atteler ton cheval, le conduira à la porte de l'écurie; en arrivant, il l'examinera pour voir s'il est bien en ordre. Prends garde! hâte-toi. Si tu t'arrêtes un moment, tu te fais métamorphoser: 2 jamais homme entendra parler de toi."-"Ne crains pas, ma tête; je ferai ce que tu me diras."—"En voyant arriver l'homme avec le cheval, à la porte du château, tu m'emporteras avec toi dans un sac, tu sauteras en selle, tu barras un coup de fouet à ton cheval, tu compteras les sept premiers pas. Frappe ton cheval! Et là, nous irons où nous pourrons.' — “Ah, c'est bien sûr!" — "Tu es un homme, si

tu le fais."

La nuit arrivée, le jeune homme se couche devant le feu. Aussitôt, il entend un vacarme effrayant. Ça ne fournissait pas, dans l'escalier; les petits diables roulaient en bas, tout en criant: "Tuons-le;

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c'est son tour! tuons-le, tuons-le!" Un d'eux le prend, le tire à un autre. Ils jouent avec lui comme avec une pelote, le sacrent d'un bord et de l'autre, sans arrêter. La peur prenant Tarabon, il court à l'écurie demander conseil à la tête. "Ne crains pas, dit la tête; ils ne te feront point de mal. Couche-toi, puis dors; et demain matin, fais bien ce que je t'ai recommandé." En le voyant entrer, les petits diables se mettent à crier: "Ah, le gueux! il est allé demander conseil à la tête. Tuons-le!" Mais il se fou sur le lit, s'endort.

Le lendemain matin, il se réveille. Ce qu'il voit? C'est bien grossier de vous le dire; mais les petits diables embrassaient tous leur c . . . . . Un vieux petit diable, les cheveux tout blancs, était assis au fond de la chambre, dans un coin, tout seul. Le jeune homme lui dit: "Satré bougre! tu vas bien m'embrasser le t . . . toi." Le petit vieillard lui répond: "Monsieur, n'insultez personne; personne ne vous insulte." — "Vous avez raison, le père."

Le jeune homme saute en bas de son lit, fait sa toilette. Il entend du bruit en haut; le petit bonhomme descend l'escalier avec la même charge sur son dos que la veille; fait cuire le bœuf, le casse en deux, en donne la moitié à son compagnon, qui, ayant fait un petit trou dans la cuisse du bœuf, se trouve rassasié. Aussitôt qu'il a fini sa moitié, le petit bonhomme mange l'autre sans broncher. "Va voir à ton cheval, dit-il. Ce matin, tu ne le reconnaîtras pas; il a deux pouces de lard sur les côtes." "Petit bonhomme, tu me contes bien des histoires!" -"Pour te faire plaisir, tu vas ce matin faire une course sur ton cheval." — "Je ferai une course si je le veux."—"Comment! tu as démandé conseil à la tête?"-"La tête, la tête! garde-la si tu veux; je m'en fou!" — "Tu iras faire une course." - "J'irai si je le veux!"

Toujours, le repas couru, le petit bonhomme s'en va atteler le cheval, arrive à la porte du château. Le cheval est sur un pied, sur l'autre. "Wo! wo!" Emportant la tête dans un sac, le jeune homme saute à cheval. Le petit bonhomme se met à tempêter, à faire toutes les menaces possibles. L'autre compte sept pas; la tête se fend. Le jeune homme à cheval se trouve au milieu d'une forêt qu'il n'a jamais vue ni connue. Il pense en lui-même: "Je suis le plus malheureux des hommes; je vais mourir ici."

Marche un bout. Il dit: "Ma tête, j'ai faim."-"Tiens! dit la tête, descends de ton cheval, va derrière cette souche; tue le lapin qui s'y trouve, et mange-le." En effet, il tue le lapin, le pleume, le fait cuire. Quand il en a mangé à peu près la moitié, il pense: "Ma tête en mangerait peut-être, aussi? As-tu faim, ma tête?"-"Ah oui! j'ai faim." Donne la moitié du lapin à la tête, qui la mange.

Quand la tête a fini de manger, le jeune homme demande: "Ma tête, qu'est-ce que je vas faire, à'ct'heure?" - "Marche tant que tu voudras; mais il ne faut pas traverser de rivière. Si tu en traverses,

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