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(JULIUS CESAR.)

Brutus est le véritable héros de cette pièce; c'est son caractère qui domine par-tout; c'est sa mort qui fait le dénouement. Mais, comme l'assassinat de César est le noeud du sujet, c'est le vainqueur de Pompée qui donne son nom à l'ouvrage.

La traduction que Voltaire a faite des trois pre miers actes de cette tragédie les a rendus familiers à beaucoup de lecteurs. Voltaire cependant, peutêtre pour rehausser l'éclat de la tragédie qu'il a composée sur le même événement, semble s'être fait un malin plaisir de présenter un grand nombre de passages sous un point de vue ridicule qu'ils n'ont pas dans l'original, et il serait injuste de prononcer sur l'ouvrage de Shakspeare d'après une traduction qui se rapproche quelquefois du ton et de l'intention d'une parodie.

Jamais, peut-être, le génie du poëte anglais n'a saisi des caractères connus, n'a ressuscité une époque historique, avec plus de force et de vérité. Shakspeare pénètre dans le cœur de la situation; il comprend, il devine les intérêts, les passions, les sentiments qui durent animer les principaux acteurs de ce grand drame politique, et même ceux de la simple populace, dont il peint merveilleusement la mobilité dans les jours de révolution; en un mot, il nous étale le spectacle de Rome toute vivante et tout animée.

T. II.

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Mais, s'il évoque, pour ainsi dire, les Romains par la puissance de son art, s'il leur rend la vie et s'il les replace dans leur action, il ne sait pas également retrouver leur langage. Semblable à un peintre ou à un statuaire, il nous montre ses personnages dans l'attitude qui leur était naturelle; il nous fait même conjecturer ce qu'ils ont dû dire, mais il ne nous le dit pas. Presque toutes les formes de son style appartiennent à un ordre de civilisation qui n'a pas plus légère analogie avec la société romaine, telle que nous la retracent et Plutarque et sur-tout Cicéron, dans ses lettres familières.

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Deux tribuns du peuple gourmandent la populace de Rome, qui se livre à la joie et célèbre le triomphe de César; l'un d'eux, Marcellus, reproche à ces grossiers artisans leur ingratitude envers le souvenir de Pompée. Son discours est empreint d'une poétique énergie:

« (1) Pourquoi vous réjouir? Quelles conquêtes vientil vous rapporter? Quels nouveaux tributaires le suivent à Rome, pour orner de l'appareil de leurs chaînes les

(1) Wherefore rejoice? What conquest brings he home? What tributaries follow him to Rome,

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O cœurs durs, cruels enfants de Rome, n'avez-vous point connu Pompée ? N'êtes-vous pas maintefois montés sur les murailles et sur les créneaux, sur les fenêtres et sur les tours, jusque sur le haut des cheminées, tenant vos enfants dans vos bras ; et là, patiemment assis, n'attendiez-vous pas tout le long du jour pour voir le grand Pompée traverser les rues de Rome; et de si loin que vous vissiez paraître son char, le cri universel de vos acclamations ne faisait-il pas trembler le Tibre dans toute la profondeur de son lit, par l'écho de vos voix répétées sous ses rivages caverneux ? Et aujourd'hui vous prenez vos plus beaux vêtements, et vous choisissez ce jour pour un jour de fête ! Et aujourd'hui vous semez de fleurs le de l'homme qui passage vient à vous, triomphant du sang de Pompée! »

To grace in captive bonds his chariot wheels?

O, you
hard hearts, you cruel men of Rome,
Knew you not Pompey ? Many a time and oft
Have
you climb'd up to valls and battlements,
To towers and windows, yea, to chimney-tops,
Your infants in your arms, and there have sat
The live-long day, with patient expectation,
To see great Pompey pass the streets of Rome :
And when you saw his chariot but appear,
Have
you not made an universal shout,
That Tiber trembled underneath her banks,
To hear the replication of your sounds,
Made in her concave shores?

And do you now put on your best attire?
And do you now cull out a holiday?

And do you now strew flowers in his way,
That comes in triumph over Pompey's blood?

Après avoir dispersé la populace, les deux tribuns vont détacher les trophées suspendus aux statues de César,

SCÈNE SECONDE.

Une place publique.

César, entouré d'un nombreux cortége, va célébrer la fête des Lupercales. Un devin l'avertit de prendre garde aux ides de mars; il sort, en le traitant de visionnaire.

Brutus et Cassius ne le suivent point. Cassius interroge Brutus sur la cause de sa mélancolie, et lui révèle son indignation contre les projets ambitieux de César.

Brutus reçoit cette confidence avec calme et mesure; il promet à Cassius de mûrir dans son esprit les idées dont il vient de lui faire part, et de lui communiquer le résultat de ses méditations.

Leur entretien a été interrompu à plusieurs reprises par des clameurs lointaines. Après les jeux, pendant que César reparaît avec son cortége, Brutus et Cassius arrêtent Casca, et, restés seuls avec lui, l'interrogent sur la cause du tumulte qu'ils ont entendu.

Casca leur raconte avec une amère ironie, dont les formes tombent quelquefois dans la trivialité, comment Antoine a offert la couronne à César, qui l'a refusée aux acclamations de la populace.

Après avoir encore réfléchi sur les faits de ce récit, Brutus et Cassius se séparent.

SCÈNE TROISIÈME.

Une Rue.

Au milieu d'un orage, Cicéron et Casca se rencontrent pendant la nuit, et s'entretiennent de prodiges effrayants qui viennent de se manifester dans Rome. Cicéron fait place à Cassius, qui révèle à Casca le secret de la conspiration tramée contre César, et l'associe aux conjurés.

Cassius prend avec Cinna des mesures pour faire trouver à Brutus des écrits où son inaction lui sera reprochée.

ACTE SECOND.

SCÈNE PREMIÈRE.

Jardins de Brutus.

Cette nuit orageuse n'est pas encore passée. Brutus se promène dans ses jardins, et médite sur la justice et l'utilité du meurtre de César. Son esclave Lucius. lui apporte un écrit, où Rome l'avertit de se réveiller de son sommeil. Il se replonge dans sa rêverie.

« (2) Depuis que Cassius a commencé à m'exciter contre César, je n'ai point dormi. Entre la première pensée d'une entreprise terrible et son exécution, tout l'intervalle est comme une vision fantastique, ou un rêve hideux. Le génie de l'homme et les instruments de mort

(2) Since Cassius first did whet me against Cæsar, I have not slept.

Between the acting of a dreadful thing

And the first motion, all the interim is

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